L’Homme sans moi. Essai sur l’identité
Une recension de Martin Duru, publié leC’est peut-être l’idole contemporaine par excellence. On le raconte, on le vante pour mieux le vendre. On l’ausculte sous tous ses plis pour mieux le sculpter. Qui ça ? Le moi. Si Pierre Guenancia le prend pour objet de ce livre, ce n’est pas pour se livrer à une critique du nombrilisme à l’heure des réseaux sociaux ; ce n’est pas non plus pour partir à la recherche d’un moi plus authentique, plus profond. D’emblée, le propos se décale : il s’agit de « remettre le moi à sa place », d’apprendre à s’en détacher. Le moi désigne cette tendance à se polariser sur sa personne, à vouloir se faire le « centre de tout », pour reprendre le mot de Pascal, qui, pour cette raison, le jugeait « haïssable ». Sans le clouer au pilori, Guenancia propose un geste de décentrement : au lieu de se considérer comme unique, il convient de prendre du recul, de mettre entre parenthèses ses propres appartenances et intérêts afin de découvrir que nous ne sommes qu’une « façon d’être parmi d’autres possibles ». La destitution du moi et de ses particularismes ouvre alors à la saisie de ce que nous avons en commun avec les autres, êtres pensants et parlants… comme moi. Dense, exigeant, l’ouvrage fait la part belle aux analyses des classiques, notamment de Descartes dont l’auteur est spécialiste : loin d’apparaître comme un apôtre du solipsisme, le père du cogito est ici une boussole, en tant qu’il accorde à tout homme la raison et la possibilité de faire bon usage de sa liberté. Abstrait ? Pas tant : Guenancia ferraille avec l’époque, ainsi quand il pourchasse le spectre du communautarisme, où les individus se replient et s’enferment dans autant de petits « nous » fondés sur des critères de race, de genre, de classe. À cette pente identitaire s’oppose un plaidoyer pour un « véritable humanisme », dans lequel les capacités universelles des êtres humains sont un « donné premier », un « fonds » à toujours reconnaître et à défendre par-delà les différences. Telle est la tâche et le pari : décaper le moi pour l’inclure dans le Nous – le grand, cette fois.
Le philosophe Pierre Guenancia rend hommage à son confrère Alexandre Matheron, disparu le 7 janvier 2020. Il loue la méthode de ce spécialiste de Spinoza, et son importance pour l’histoire de la philosophie.
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