Manifeste pour les "produits" de haute nécessité
Une recension de Nicolas Truong, publié lePeut-on réduire la vie au pouvoir d’achat ? Dans S’acheter une vie (Jacqueline Chambon), Zygmunt Bauman avait montré les impasses d’une vie à crédit promue par une modernité capable de réduire les êtres à leurs avoirs. Au moment où se multiplient les frondes sociales, peut-on cantonner les luttes syndicales aux revendications salariales ? Peut-on limiter la contestation aux seules augmentations ? La situation en outre-mer est, de ce point de vue, un cas d’école. Car, selon neuf intellectuels antillais, auteurs d’un Manifeste pour les « produits » de haute nécessité emmené par les écrivains Patrick Chamoiseau et Édouard Glissant, l’erreur consiste à réduire un mouvement social profond à de simples revendications. Au bout d’un mois et demi de grève, les révoltés de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de La Réunion ont obtenu de nettes avancées sociales. Dans la grande distribution, l’hôtellerie et le BTP, une augmentation de 200 euros doit dorénavant s’appliquer aux très bas salaires. Destinés à démêler les problèmes de ces départements, les États généraux de l’outre-mer se sont mis en place en avril. La synthèse doit être rendue publique à Paris, fin mai ou début juin.
Selon les auteurs du Manifeste, l’aveuglement réside dans le confinement de ce soulèvement au « panier de la ménagère » et aux autres manifestations contre la vie chère. À lire ce traité philosophico-politique, la grève générale fut en même temps un rêve général, et, derrière la condamnation de la « profitation », la contestation politique fut aussi une insurrection poétique. Pour ce collectif d’intellectuels ultramarins, toute vie humaine articule le prosaïque, à savoir le manger et le boire, au poétique, c’est-à-dire à l’accomplissement de soi auquel conduisent l’amour, la poésie, la philosophie ou la musique. Face à « l’épuration éthique » menée par le libéralisme économique, qui réduit l’existence à la consommation, profane le sacré et fabrique des générations désenchantées, voici un plaidoyer pour d’autres denrées. À côté des produits de première nécessité, ce collectif propose de défendre ces « “produits” de haute nécessité » que sont la lecture, la danse, le travail créateur, la spiritualité ou la pensée. Principe de gratuité pour les biens culturels, mise à genoux de la grande distribution par le truchement d’une autogestion alimentaire saine… Loin des seules revendications catégorielles, ce manifeste, qui semble avoir mis Deleuze et Césaire dans un shaker, prône une révolution existentielle. Une prose de combat contre la réduction de la vie au pouvoir d’achat.
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