Pierre Pachet. “Recouvrer la liberté en s’inclinant devant la nécessité”
La notion d’obligation prime celle de droit, affirme Simone Weil. Pour Pierre Pachet, l’enracinement que conceptualise la philosophe est certes une libération mais aussi une exigence.
« C’est un texte qui se médite plus qu’il ne s’étudie, un texte qui met la pensée en mouvement, auquel il faut donner de son attention, du temps de sa vie, plus que de simples moments de lecture. Voici un livre écrit dans la tourmente de l’Histoire et qui parle de l’éternel, du divin. Au moment où Simone Weil rédige L’Enracinement, le nazisme est conquérant, l’alliance récemment conclue entre Hitler et Staline est lourde de menaces. Dans ce contexte, pour la philosophe ayant rejoint la France libre à Londres, l’enjeu décisif n’est pas de savoir comment triompher ou de réfléchir au gouvernement de l’après-guerre ; l’urgence est de relever spirituellement une civilisation qui a sombré dans le chaos, et, pour cela, il s’agit de déterminer les devoirs essentiels envers l’âme humaine. Cette ambition est sublime.
“Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain” : tel est le sous-titre de L’Enracinement, qui condense et couronne toute la pensée de Simone Weil. L’énoncé doit se lire en miroir, et comme prenant l’exact contre-pied de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (au même moment, à Londres où il est aussi réfugié, René Cassin prépare la Déclaration des droits de la future République). Ce n’est pas la première fois que l’on s’en prend au texte fondateur : déjà Marx, pour ne citer que lui, avait dans La Question juive attaqué la Déclaration, voyant dans les droits de l’homme une invention bourgeoise au service de “l’homme égoïste”, le propriétaire de la classe dominante. Simone Weil situe ailleurs sa critique : elle veut remettre au premier plan une notion que les révolutionnaires ont hésité à employer et qu’ils ont finalement abandonnée, celle de devoir ou d’obligation. “La notion d’obligation prime celle de droit”, affirme-t-elle d’emblée. Le droit est toujours lié à une société donnée, il s’inscrit et régit un monde temporel, humain ; or il y a aussi du sacré, du supra-humain, et seule l’obligation restitue cette dimension négligée par la tradition libérale. Il existe des devoirs non seulement envers autrui, mais plus encore envers l’être humain en tant que tel, en tant qu’il a une “destinée éternelle”. Toute communauté a des obligations inconditionnelles envers chacun de ses membres ; pour les identifier, il faut dégager, au-delà des besoins purement physiques (boire, manger, avoir un abri…), les besoins essentiels de l’âme. L’âme, cette parcelle du monde qui nous est confiée et à laquelle on doit un respect intangible.
Pas si vite nous dit Spinoza, dans cet éloge à la fois vibrant, joyeux et raisonné de l'amour en général.
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