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Pierre Pachet. « La vraie question,c’est celle du lien entre nihilisme et fascisme »

Pierre Pachet, propos recueillis par Martin Legros publié le 3 min

Comment comprendre que certains intellectuels des années 1930 aient pu se laisser séduire par la promesse fasciste d’un homme nouveau ? En revenant sur l’itinéraire très singulier de Cioran, Pierre Pachet esquisse une réponse à l’une des questions centrales du XXe siècle.

« La compromission de Cioran avec le fascisme est revenue dans l’actualité à la suite de la publication du Journal de Mihail Sebastian, en Roumanie en 1996 et en France en 1998. Juif (né Iosif Hechter), romancier, dramaturge, essayiste, journaliste, Sebastian y notait la manière dont ses amis, Mircea Eliade et Emil Cioran en tête, avaient basculé dans l’extrême droite sous l’influence de Nae Ionescu, philosophe disciple de Martin Heidegger et de Carl Schmitt, devenu le maître à penser du mouvement de la Garde de fer. Sebastian montre comment ces intellectuels lui tournent le dos et publient des appels à la violence dans la presse lorsque se multiplient les mesures antisémites. En Roumanie, la publication du témoignage de Sebastian a provoqué un choc. Eliade et Cioran avaient en effet effacé les traces de leurs méfaits après la guerre. Tout en conservant des liens étroits avec l’extrême droite, Eliade s’était imposé comme le grand homme de la science des religions, ami de Gershom Scholem et d’Israël. Cioran, de son côté, deviendra brillant moraliste, écrivain reconnu, double trop parfait de Saint-Simon et Chamfort. Mais il ne reviendra jamais sur cet épisode, concédant à de très rares occasions sa “honte”. Son cas est très singulier. Indépendamment des textes qu’il a publiés dans des journaux d’extrême droite, on connaît sa pensée de l’époque par la Transfiguration de la Roumanie (1936), publiée en français en 2009. Si on fait l’effort de le lire avec impartialité, on constate qu’il y a certes des passages offensants, mais aussi une vraie passion intellectuelle pour la question des nations : Cioran souffre de la douleur roumaine, une petite nation menacée par de puissants voisins. En reprenant sa propre formule, on pourrait dire qu’il souffre de l’inconvénient d’être né… roumain.

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