Hors-série "La puissance des femmes"

Simone Weil : endurer la souffrance

Octave Larmagnac-Matheron publié le 19 juin 2023 4 min

Durant sa courte vie, Simone Weil n’a cessé de se confronter, physiquement et intellectuellement, au problème du mal et de la souffrance. Sa philosophie, pourtant, reste teintée d’espoir : tout dans le monde, de la beauté à la patrie, en passant par la douleur, peut ouvrir une fenêtre sur Dieu.

 

Simone Weil naît le 3février 1909 à Paris, dans une famille juive non pratiquante originaire d’Alsace. « J’ai été élevée par mes parents et par mon frère dans un agnosticisme complet ». Très tôt, elle témoigne d’une profonde compassion pour les souffrances de l’humanité : âgée d’à peine 5 ans, en pleine Première Guerre mondiale, elle refuse de manger le moindre morceau de sucre afin d’envoyer sa ration aux soldats sur le front.
 

Après trois ans de khâgne au lycée Henri-IV, où elle a pour professeur le philosophe Alain, elle entre à l’École normale supérieure. Elle croise notamment la route de Simone de Beauvoir : « Une grande famine venait de dévaster la Chine, et l’on m’avait raconté qu’en apprenant cette nouvelle, elle avait sangloté : ces larmes forcèrent mon respect plus encore que ses dons philosophiques. » L’agrégation en poche, elle commence à enseigner au Puy-en-Velay.
 

Critique du stalinisme comme du nazisme, elle est proche des mouvements ouvriers, comme en témoignent ses Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale (1934). Durant l’hiver 1932, elle se joint à la grève des travailleurs du Puy, et décide de vivre, comme les chômeurs, avec 5 francs par jour. Pour aller plus loin, elle choisit d’embrasser pleinement, entre 1934 et 1935, la vie des travailleurs. Mais sa santé fragile et le corps à corps épuisant avec la machine (de l’ouvrier broyé par la machine, elle dit qu’il devient « une chose déchirée et sanguinolente ») l’empêchent de continuer.
 

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