Propriété défendue. La société française à l’épreuve du vol. XIXe-XXe siècles 

Une recension de Victorine de Oliveira, publié le

Il y a quelque chose d’étrange avec le vol, même mineur, quand nous en sommes victimes : même si nous restons physiquement indemnes, nous avons l’impression d’avoir été atteints intimement. Sans parler du traumatisme toujours vif du cambriolage. Ce sentiment, ainsi que les multiples injonctions à « faire attention » lues et entendues à longueur de journée dans les lieux publics, est le point de départ de la passionnante enquête de l’historien Arnaud-Dominique Houte consacrée à « la peur du vol ». L’histoire le prouve : l’idée de propriété a le cuir solide. Elle s’est même solidifiée avec le temps, notamment avec l’avènement de la société de consommation. Des pratiques de glanage encore courantes jusqu’à la fin du XVIIIe siècle – on tolérait alors que les plus nécessiteux prennent gratuitement ce qu’il restait au sol après une récolte par exemple – aux grandes enseignes qui aspergent d’eau de Javel leurs invendus jetés aux poubelles, l’arsenal législatif a accompagné une forme d’« absolutisation du droit de propriété ». Au point que « la sécurité » hante régulièrement les préoccupations des Français dans les sondages. Tous les soirs à 20 heures, la France a peur : qu’on lui arrache son téléphone, qu’on la cambriole, qu’on lui vole une paire de baskets à la mode… ou, tout simplement, son identité de propriétaire.

Sur le même sujet