Si j'avais su... : Mémoires

Une recension de Philippe Nassif, publié le

« Il faut aller voir ce qui se passe à l’intérieur du cœur », note Stanley Cavell en introduction de son imposante autobiographie. Il parle du cathéter que son grand âge réclame. Mais pas seulement. L’homme qui, en se fondant sur l’art du cinéma, a révolutionné la philosophie américaine pour lui imprimer un tour radicalement autobiographique, déroule ici ses « mémoires en miettes » : l’association fluide des fragments du passé et du présent. Il y a l’enfance, déchirée entre l’amour d’une mère musicienne et la haine que parfois son père commerçant trahit à son égard. L’adolescence, aimantée par une vocation de clarinettiste de jazz. Les années de formation polarisées par la psychanalyste et la littérature. Son sens, à la fois juif et américain, de l’errance. Ses amitiés magnifiques avec ses pairs (Thomas Kuhn, Bernard Williams) et ses élèves (le cinéaste Terrence Malick). L’écriture emprunte, comme d’habitude, des sentiers tortueux (le scepticisme moderne) piqués de fulgurances souveraines (l’innocence retrouvée). C’est que lire Cavell nous apprend à penser plus près de nous-mêmes. Nous rappelle qu’une vie n’est pas forgée par ses événements mais plutôt par ses anecdotes. Et nous invite ainsi à redécouvrir que l’extra- se loge dans l’ordinaire.

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