Kim Stanley Robinson : “Le ministère du Futur est une nouvelle utopie”
Le romancier de science-fiction américain le plus influent de ce début de siècle vient de publier Le Ministère du futur (Bragelonne, 2023), où il imagine les défis que devrait relever une instance internationale chargée de planifier les actions nécessaires au changement climatique. À la veille de la COP 28 de Dubai, nous l’avons rencontré pour évoquer avec lui l’avenir du capitalisme, les formes de violences contemporaines suscitées par la crise écologique mais aussi son rapport à la philosophie et à l’utopie. Discussion fleuve avec un écrivain-philosophe qui ne veut pas renoncer à créer un monde meilleur.
Dans les années 1990, vous avez écrit une trilogie romanesque sur Mars qui a été un succès mondial. Vous y décriviez les conséquences économiques, politiques et sociales de la terraformation de la Planète rouge. À l’époque, ce que vous racontiez était plausible – mais qu’en est-il aujourd’hui ?
Kim Stanley Robinson : Je suis encore passionné par les moissons des missions martiennes de la Nasa, par les photos, les vidéos et même les sons qui sont de bien meilleure qualité aujourd’hui qu’il y a trente ans. Mais lorsque j’ai écrit mes livres, je m’appuyais sur les connaissances scientifiques de l’époque, et terraformer Mars semblait imaginable dans un avenir proche. On a appris depuis qu’il y a des perchlorates dans le sol et que la surface de la Planète rouge est toxique pour l’homme [la Nasa a même affirmé en 2018 que terraformer Mars était en réalité « impossible »].
“L’espoir est une forme de courage”
Transformer Mars en planète bleue n’est donc pas envisageable ?
Certains affirment qu’il suffirait d’ajouter de l’eau. Parce que s’il pleut, le perchlorate deviendra inerte et sans danger. Mais il y a peu d’eau sur Mars, donc comment faire pleuvoir ? En réalité, il faudrait d’abord terraformer, puis activer la pluie, et ainsi détoxifier. Ce n’est pas impossible, mais il faudrait des dizaines de milliers d’années, tandis que dans ma trilogie, cela prend un siècle et demi ! Autant dire que les gens qui l’ont lue comme un programme de colonisation – je pense à certains milliardaires – se fourrent le doigt dans l’œil. Le point de vue libertaire de la Silicon Valley est boiteux. D’ailleurs, ce ne sont pas des génies politiques, et je dirais même que le scientifique moyen me semble plus avisé sur le plan politique que l’informaticien moyen qui gagne des tonnes d’argent dans la Silicon Valley. Beaucoup de programmeurs sont persuadés que nous, les êtres humains, sommes si intelligents qu’il y aura toujours une solution, sur Mars ou ailleurs. Certains d’entre eux qui restent assis toute la journée devant des écrans pensent peut-être qu’ils sauraient vivre dans une pièce similaire sur Mars, trente pieds sous terre, et être heureux. Trop cool d’être des Martiens ! Mais c’est un fantasme qui ignore l’attachement à la Terre. Pensez à ce que défend Aldo Leopold : ce qui est bon est bon pour la Terre. Voilà à mes yeux une valeur essentielle sur laquelle nous devrions baser tout le reste.
Votre dernier roman ne se déroule ni dans un lointain futur, ni dans une lointaine galaxie, mais sur Terre dans les années à venir. C’est une climatofiction, mais est-ce encore de la science-fiction ?
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