Alain Badiou: “L’événement ouvre la possibilité qu’une vérité inédite surgisse dans un monde donné”
Alain Badiou est l’un des rares philosophes vivants à proposer un système métaphysique permettant d’embrasser tout ce qui est. Pour nous, il s’est prêté à un exercice délicat : traduire son œuvre en un schéma accessible et inédit.
« Ce schéma récapitule le système auquel j’ai consacré – et consacre encore ! – ma vie de philosophe. Mais avant d’y venir, qu’entend-on par “système” ? Ce terme a une première acception, un sens que l’on pourrait qualifier de fort : il renvoie aux grandes synthèses spéculatives élaborées par certains philosophes (Aristote ou Hegel, par exemple), où l’ambition est d’embrasser la totalité des œuvres de la pensée comme aussi la totalité de l’univers existant. Il existe un second sens, plus faible, qui se dégage lorsqu’on parle d’une philosophie à caractère systématique. Cela signifie qu’elle est marquée par une exigence de cohérence interne : tous les énoncés qui s’y trouvent sont argumentés et liés logiquement entre eux de manière à former un ensemble rigoureux susceptible d’être livré à la discussion, à la critique. Pour ma part, je ne suis pas un bâtisseur de système au sens fort, et pour cause : je me méfie de la notion de totalité. Elle fait signe vers l’idée d’une unité close sur elle-même ; or mon ennemi en métaphysique est l’Un, auquel j’oppose une philosophie de la différence et du multiple. En revanche, étant donné l’étendue de ma culture mathématique et l’usage que j’en fais dans ma construction métaphysique, je suis très attaché à l’idéal de systématicité du discours : à partir de principes initiaux et restreints, en se fondant sur une série de démonstrations, ou en tout cas d’arguments rationnels, on doit pouvoir investir des domaines de plus en plus vastes. Le “système” désigne alors ce déploiement réglé de la pensée, le trajet qu’elle effectue. Ici, le trajet mène de l’être au cercle du bonheur réel.
Commençons par l’être. Il s’agit d’une catégorie très abstraite, mais qu’il faut presque aborder naïvement. L’être, c’est tout ce qu’il y a, et aussi tout ce qu’il peut y avoir ; c’est le nom générique de ce qui se propose, se donne à penser, ou pourrait se donner à penser. Je conçois l’être comme multiple pur. Qu’est-ce à dire ? Tout ce qui est est constitué d’éléments. Ces éléments sont des multiplicités, qui sont elles-mêmes composées de multiplicités, et ainsi de suite. Lorsqu’on décompose quoi que ce soit, on n’aboutit pas à un résidu primordial, à une unité élémentaire. Le multiple est pur en ce sens qu’il n’y a pas d’atome métaphysique – à la fin de toute décomposition d’un être-multiple, on tombe non sur l’unité d’un atome, mais sur le rien du vide.
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