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Antoinette Rouvroy et Alain Damasio © Serge Picard

Alain Damasio-Antoinette Rouvroy. Passer entre les mailles

Alain Damasio, Antoinette Rouvroy, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 25 septembre 2019 11 min

Le romancier Alain Damasio est la grande voix de la science-fiction française. Ses romans fourmillent de réflexions sur l’emprise de la technologie. Aussi quand nous lui avons proposé de dialoguer avec Antoinette Rouvroy, il a d’emblée accepté de confronter ses idées avec la chercheuse en sciences juridiques belge, dont les travaux sur la notion de “gouvernementalité algorithmique” l’ont inspiré pour son livre “Les Furtifs”. L’écrivain visionnaire et la juriste philosophe ont uni leurs forces pour imaginer des manières d’échapper au contrôle.

Antoinette Rouvroy : Je ne suis pas une technophobe. J’ai un téléphone portable, j’utilise le Web, j’ai un profil Facebook. Mais je ne perds pas de vue que ce que je publie sur Facebook relève de la production de discours et non de la révélation de soi. Il s’agit de performances identitaires, j’aime voir comment le réseau réagit. Et puis, la plupart de mes collègues chercheurs sont en ligne, les réseaux sociaux sont aussi des outils de mise en commun et de discussion des travaux.

 

« Je ne supporte pas de me balader en sachant que mes déplacements sont tracés par satellite »

Alain Damasio

Alain Damasio : Pour ma part, je me ménage des zones de furtivité. Je n’ai pas de téléphone portable par refus de la géolocalisation. Je ne supporte pas l’idée de me balader en sachant que mes déplacements sont tracés par satellite. Je n’ai pas envie de nourrir des algorithmes avec mes données personnelles. Je préfère rester un promeneur du monde ancien, ne pas laisser de traces. Je ne suis sur aucun réseau social. J’efface les cookies sur mon navigateur Web toutes les deux heures. Je ne fais jamais de sauvegarde de mes romans sur le cloud, car j’ai peur qu’ils soient récupérés. Cependant, j’utilise le mail. De temps à autre, je me dis qu’il faudrait que je passe sur ProtonMail [messagerie dotée d’un cryptage automatique, qui ne demande aucune compétence informatique à l’utilisateur].

 

« Non seulement Big Brother n’existe pas, mais nous n’avons jamais été si peu considérés et regardés »

Antoinette Rouvroy

A. R : Je ne suis pas aussi méfiante, car je suis persuadée que je n’intéresse personne, et certainement pas les Gafam [Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft]. Le concept de « données personnelles » n’a pas vraiment de sens dans un contexte de « données massives » et il risque même de nous induire en erreur. Ce qui confère une utilité, une valeur aux données, ce sont les corrélations qu’elles permettent de faire apparaître entre des éléments infrapersonnels, donc des fragments insignifiants, de purs signaux. À des fins de ciblage marketing, on cherchera ainsi à savoir si un certain volume mensuel d’achats sur Amazon est corrélé avec un certain nombre de trajets annuels en avion. Ces données sont détachées des noms propres et ne sont associées à aucun sujet. Ainsi découpées, elles nourrissent des modélisations construites par des intelligences artificielles. C’est pourquoi la critique de la technologie me semble souvent mal adressée. Elle reste emprisonnée dans une vision dépassée du monde, selon laquelle nous serions des sujets espionnés par un pouvoir centralisé. La situation est presque plus inquiétante. Dans notre monde, les sujets ont disparu. Il n’y a plus personne ! Il me paraît plus exact de parler de « capitalisme numérique » que de « capitalisme de la surveillance ». Non seulement Big Brother n’existe pas, mais nous n’avons jamais été si peu considérés et regardés qu’aujourd’hui.

 

A. D. : Je comprends ce que vous dites sur le fantasme de la surveillance, alimenté par 1984, le roman d’Orwell – génial mais pas du tout réaliste. Le héros, Winston, est un dissident lambda, pas une menace, et il n’est pas très crédible qu’un tortionnaire travaille sur lui vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Cependant, je relativiserai un peu votre propos. D’abord parce que le réseau est un espace de contrôle où chaque acte produit une information, donc une trace exploitable. Ça fonctionne comme une sphère : si vous « allez trop loin », vous vous heurtez vite à ses parois. On se croit « libre », mais on a vite fait de basculer sous surveillance ciblée ! Il y a trois ans, j’ai eu l’occasion de converser avec des membres du Comité invisible, associés à l’affaire de Tarnac – ce qu’on appelle à tort l’ultragauche. Dès que j’ai échangé avec eux, il s’est produit des incidents bizarres sur ma messagerie. Leurs mails et les miens ont basculé dans les spams, ma ligne fixe a commencé à décrocher par moments. Ce sont des indices légers, et je ne sais pas si j’ai vraiment été écouté. Mais les militants sont souvent confrontés à ce genre de problèmes. Sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, il y a une dark room où l’on peut se connecter à des ordinateurs anonymisés. Il faut utiliser des codes d’accès et tous les messages sont cryptés.

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