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Alexandre Jollien : “C’est le bordel, mais y’a pas de problème”

Alexandre Jollien, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 23 septembre 2018 14 min

Dans son dernier ouvrage, La Sagesse espiègle (Gallimard, 2018), Alexandre Jollien révèle un moment de son existence où il a été pris dans l’engrenage d’une dépendance. Avec sincérité, il raconte son enfer et la manière dont il s’en est sorti.

 

Une fois n’est pas coutume, cet entretien est rédigé à la deuxième personne du singulier. Dire « tu » : il ne s’agissait pas d’afficher une quelconque connivence, mais de respecter le registre d’une conversation très intimiste. Certaines paroles n’auraient sans doute jamais été prononcées avec le vouvoiement ! Car cet entretien a une histoire : il y a un an, Alexandre Jollien, que je connaissais assez mal, m’appelle parce qu’il veut dîner avec moi et parler de la question de l’addiction… Pendant une année, alors qu’il rédigeait La Sagesse espiègle, son nouvel essai qui paraît chez Gallimard le 4 octobre, nous nous sommes retrouvés de temps à autre pour discuter de ce thème, quelquefois en compagnie d’un ami commun, le médecin alcoologue Jean-Bernard Daeppen, dont il sera aussi question dans cet article.

C’est que La Sagesse espiègle représente un pari risqué. Depuis Éloge de la faiblesse (éditions du Cerf, 1999), Alexandre Jollien a passionné de nombreux lecteurs en racontant son enfance blessée ou encore son long séjour en Corée pour y apprendre la méditation. Mais son nouveau livre, avec sa dimension autobiographique, risque d’en surprendre plus d’un. Jollien y manipule des substances hautement inflammables. Il y aborde plusieurs tabous – dont celui de la dépendance affective et sexuelle –, en ne perdant jamais sa voix, d’une sincérité déconcertante, qui alterne des références philosophiques élevées avec des tournures familières.

C’est donc dans le prolongement de ces échanges que s’est tenu cet entretien, recueilli à la fin du mois d’août dans une pizzeria de Lausanne, où habite le philosophe. Lausanne, une ville si belle sous le soleil, si propre, qu’il était presque étrange d’y invoquer l’antique et terrifiant Chaos ! Mais qui peut se flatter de ne l’avoir jamais rencontré à l’improviste ?

À lire
Alexandre Jollien / La Sagesse espiègle / Gallimard

 

Peux-tu rappeler d’où tu viens, pour qu’on comprenne la suite de ce que tu vas raconter ?

Alexandre Jollien : Handicapé de naissance, j’ai été placé de l’âge de 3 à 20 ans dans une institution pour personnes infirmes moteur cérébral. L’endroit où j’ai grandi ressemblait un peu à une cour des miracles. L’un de mes camarades était de petite taille, l’autre n’avait pas de bras, certains étaient atteints de paralysies… Mais dans ce lieu si particulier se manifestaient pleinement le mystère de la vie, une joie puissante, une adhésion au réel qui ne s’apparentait nullement à de la résignation. La solidarité qui nous unissait était totale, personne ne se tirait dans les pattes. L’envers du décor, c’est que nous connaissions aussi une solitude absolue, une espèce de mort affective : nous vivions loin de nos parents, et les éducateurs avaient ordre de ne pas s’engager avec nous dans une relation de douceur. Pas de tendresse ! Pendant ces dix-sept années, je ne me souviens pas avoir reçu une seule marque d’affection.

 

La religion catholique était aussi très présente.

Oui, nous allions tous les jeudis à la messe. L’aumônier de l’institut, le père Morand, était un érudit, lecteur de Thomas d’Aquin, d’Aristote. C’est par lui que je suis venu à la philosophie. Parce que j’étais nul à l’école. Je ne voyais pas le lien entre le syllabaire et le quotidien. Les heures d’enseignement m’apparaissaient comme une perte de temps. Un jour, je suis allé trouver le père Morand et l’ai provoqué : « Si Dieu existe, pourquoi y a-t-il des enfants handicapés ? » Au fond, c’était la question du Mal. Ce qui m’a touché, c’est qu’il a gardé le silence. Il n’était pas du genre à donner une explication, et, de toute façon, dans ce contexte, toute théorie aurait procédé de la maltraitance. On n’assène pas une leçon de théodicée à un enfant de 8 ans handicapé à vie !

 

Y avait-il une place pour l’éveil du corps et la découverte de la sexualité dans cette institution ?

Non, je n’ai pas découvert la sexualité à l’institut. Cette découverte a été comme retardée. En entrant à l’université, j’ai été frappé par l’importance du sexe dans les jeux sociaux. La séduction, la vie en couple, je n’en avais même pas pressenti l’existence. À l’institut, il y avait bien sûr eu des émois, mais très vagues et naturels. Épictète préconise que l’on s’adonne aux nécessités de la chair comme en passant… La naissance des désirs, je n’avais pas su l’interpréter. S’y ajoutait une sorte de désinvestissement du corps lié peut-être à ma condition. Le corps, c’était d’abord le handicap, lieu de la différence qui nous séparait des autres, alors autant s’en distancier carrément pour explorer d’autres régions de l’être !

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Article issu du magazine n°123 septembre 2018 Lire en ligne
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