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Hors-série "L'art de ne rien faire"

André Comte-Sponville : "Le bonheur n’est ni dans l’avoir ni dans l’être, il est dans le faire"

André Comte-Sponville, propos recueillis par Sven Ortoli publié le 22 juillet 2023 8 min

Quel sens Horace donna-t-il à son vers Carpe diem ? Profiter de l’instant sans souci des conséquences, ou ne rien faire – au risque de confondre veulerie et repos ? Est-il question d’occulter la condition humaine ou d’habiter notre existence le plus heureusement possible ? Pour André Comte-Sponville, le mieux est surtout de « cueillir l’éternité ».

 

Carpe diem. Si la formule d’Horace renvoie aujourd’hui à une forme d’hédonisme, à l’idée qu’il faut « profiter » de la vie, que signifiait-elle à l’époque d’Horace ?

André Comte-Sponville : Elle avait la même signification que celle d’aujourd’hui, que chacun comprend : « cueillir le jour », autrement dit savoir profiter du moment présent sans trop se préoccuper de l’avenir. Hédonisme, oui, mais à courte vue ! Il y a là comme une sagesse minimale, aussi pertinente qu’insuffisante. Que le plaisir vaille mieux que la souffrance, cela va de soi. Et qu’il vaille mieux vivre au présent que s’enfermer dans la rumination du passé ou l’attente de l’avenir, j’en suis évidemment d’accord. Mais cela suffit-il ? L’étudiant qui prépare son examen, s’il devait se contenter de cueillir le jour, aurait-il encore le courage de travailler ? Et le prof qui prépare ses cours ou corrige ses copies ? Et le paysan qui retourne sa terre ? Et le maçon qui monte son mur ? Et l’ouvrier à la chaîne ? Et l’écrivain ou le philosophe, qui noircit son papier ? Car enfin on ne travaille guère, sauf exception, que pour l’avenir. Et le militant qui se bat pour la justice, la paix ou la liberté ? Et l’homme politique qui fait campagne ? S’il ne s’agissait que de cueillir le jour, c’est-à-dire d’aller au plaisir par le plus court chemin, il n’y aurait ni études, ni travail, ni politique. C’est en quoi le carpe diem est lié au loisir, au temps libre, à ce que les Latins appelaient en effet « l’otium », qu’ils opposaient aussi bien au travail manuel qu’à l’action politique. Autant dire que cela ne saurait valoir pour le tout de l’existence ! Que le plaisir vaille mieux que la souffrance, cela ne prouve pas que le repos soit toujours préférable à l’effort, ni l’inaction à l’action, ni la paresse au courage. Ne confondons pas l’hédonisme et la veulerie !

 

Horace est-il épicurien ? Et qu’aurait pu dire Épicure de cette formule, au demeurant très belle ?

Oui, Horace est épicurien, à sa façon approximative et douce-amère, comme des milliers de Romains de son temps : pas un épicurien dogmatique ou de stricte obédience, comme Lucrèce, mais plutôt (comme le sera Montaigne, grand lecteur d’Horace) une espèce de sympathisant, qui aime Épicure sans toujours se sentir tenu de penser la même chose que lui. Quant au poème en question (que je me suis amusé à traduire en alexandrins blancs dans mon Dictionnaire philosophique, à l’entrée « Carpe diem »), il est plus mélancolique que frivole : il s’agit de jouir tant qu’il en est encore temps, et d’autant plus que tout avenir – sauf la mort – est incertain. Épicure en eut été d’accord, sans en être dupe. Pourquoi ? Parce que beaucoup de nos plaisirs sont comme traversés d’angoisse ou d’insatisfaction : l’insatisfaction du cupide, qui en veut toujours plus, l’angoisse de l’avare, qui a peur de perdre, celle des amoureux, qui voudraient ne faire qu’un et ne le peuvent... Lucrèce est autrement plus profond qu’Horace quand, à propos de la passion amoureuse et de la prétendue fusion du coït, il évoque « je ne sais quelle amertume qui jusque dans les fleurs prend l’amant à la gorge ». S’il ne s’agissait que de jouir, la vie serait facile. Mais on veut aussi aimer, être aimé, posséder, garder, et tout se complique ! Surtout, Épicure aurait rappelé à Horace que les plaisirs les plus hauts sont les plaisirs spirituels (la philosophie, l’amitié), qu’Épicure appelait « des biens immortels » – c’est qu’ils n’ont affaire qu’au vrai, qui ne meurt pas. Ce que j’ai résumé en une formule, qu’on ne trouve ni chez Horace ni chez Épicure mais qui me paraît plus proche de l’esprit de celui-ci que de celui-là : carpe aeternitatem – cueillir l’éternité ! Disons que c’est une lecture spinoziste d’Épicure, ou une lecture épicurienne de Spinoza, ou ma façon d’articuler les deux lectures que j’en fais.

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Article issu du Hors-série n°N°58 juillet 2023 Lire en ligne
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