Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

André Gorz. © Marc Chaumeil / Divergence

Hommage

André Gorz, un utopiste lucide à la pensée prophétique

Octave Larmagnac-Matheron publié le 11 février 2023 14 min

Il y a cent ans naissait André Gorz, pionnier de la décroissance et de l’écologie politique. Retour sur le parcours d’un intellectuel typique dont l’influence ne se dément pas et dont les écrits résonnent comme une promesse de solution face à l’urgence climatique.


Le nom d’André Gorz, pionnier de la décroissance, est associé de manière presque immédiate à l’écologie politique. Comprendre l’engagement du philosophe-journaliste né à Vienne en 1923 suppose cependant de le réinscrire dans une œuvre plus large, qui s’est enrichie tout au long d’un parcours à la croisée de plusieurs traditions intellectuelles. Et d’abord du marxisme et de l’existentialisme. Cet alliage d’une critique radicale du capitalisme et d’une exaltation de la liberté du sujet, Gorz le trouve d’abord chez Jean-Paul Sartre, qu’il rencontre à Lausanne en 1947, et avec qui il collaborera au sein de la revue Les Temps modernes. Les premiers ouvrages auxquels travaille Gorz – Fondements pour une morale (publié seulement en 1977), Le Traître (1958) ou La Morale de l’histoire (1959) – s’inscrivent très explicitement dans le prolongement de L’Être et le Néant. Ils s’attachent tout particulièrement à explorer la question de l’« aliénation » des individus aux structures de productions.

 

Aliénation du travail, aliénation de la consommation

Le thème court à travers l’ensemble de son œuvre. Comme il l’écrit en 1983 dans Les Chemins du paradis : « l’existence sociale comporte inévitablement une part d’aliénation parce que la société n’a pas été et ne peut pas être produite et reconnue par chacun comme l’œuvre qu’il a créée librement en coopération volontaire avec tous les autres. » Inévitable, cette aliénation – asservissement de l’homme à des activités auxquelles il est incapable de donner « sens » (le thème de la « quête de sens » étant central chez Gorz) – connaît cependant des degrés. L’ordre capitaliste est précisément celui qui pousse le plus loin l’aliénation. Il se fonde sur une « division du travail […] inévitablement dépersonnalisante [qui] fait du travail une activité hétéronome » (Adieux au prolétariat, 1980), qui convertit la personne en personnel. Dans ces conditions, le travail se vide de son sens. Il n’est plus une libération mais un esclavage.

Pour Gorz, « dépasser l’aliénation du travail » suppose trois ruptures solidaires, comme il le résumera dans Misères du présent, richesse du possible (1997) : d’abord, « l’auto-organisation du travail par les travailleurs eux-mêmes qui deviennent ainsi les sujets de leur coopération productive » ; ensuite, « un travail et un mode de coopération vécus comme épanouissant par chacun et qui développe des facultés, des compétences que chacun peut mettre en œuvre de façon autonome pendant son temps libre » ; enfin, « l’objectivation du travail dans un produit reconnaissable par les travailleurs comme le sens et le but de leur propre activité ». Cet idéal d’un travail désaliéné est aux antipodes de la réalité des sociétés capitalistes. Rouage d’une grande machinerie, l’homme ne produit plus dans l’horizon de ses propres besoins. La satisfaction de ces besoins est dépendante d’une structure de production, tutelle à laquelle il est impossible de se dérober mais sur l’orientation de laquelle l’homme n’a pas de prise.

Pour Gorz, le capitalisme empêche l’homme de “se sentir chez lui dans le monde, dans sa ville et dans son corps”, en l’inscrivant dans un régime global de dépendances

 

L’aliénation de la consommation est l’envers de l’aliénation du travail : désespéré d’un travail dans lequel il ne se reconnaît plus, l’homme est condamné à un ersatz de satisfaction, la consommation compensatoire, à laquelle il s’abandonne pour combler le manque d’une vie vidée de son sens. Travail capitalistique et consommation sont deux faces d’une même pièce, d’une existence « unidimensionnelle », appréhendée uniquement à l’aune de la rationalité économique. Le capitalisme rend impossible la réalisation de soi selon une pluralité irréductible de modalités qui fonde la richesse de l’existence. Il empêche l’homme de « se sentir chez lui dans le monde, dans sa ville et dans son corps », en l’inscrivant dans un régime global de dépendances.

 

Pour une gauche de l’émancipation

Cette idée d’unidimensionalité de l’existence en régime capitaliste, Gorz la puise chez celui qui deviendra son ami, Herbert Marcuse, auteur de L’Homme unidimensionnel (1964). Les événements de Mai-68 ne sont pas loin. Un vent libertaire souffle sur le mouvement social, dans lequel Gorz se reconnaît en partie. Son approche du socialisme est résolument anti-autoritaire. Elle s’oppose tant à l’idée d’une révolution guidée par une avant-garde éclairée et un parti centralisateur qu’à la mystique eschatologique de bon nombre de marxistes qui investissent le prolétariat d’une destinée révolutionnaire irrésistible. L’émancipation est indissociable d’une exigence individuelle – une auto-émancipation – plutôt que le résultat de forces historiques inéluctable. C’est d’elle-même, et non d’institutions ou de partis qu’elle tire sa force. « La société ne sera jamais “bonne” par son organisation mais seulement en raison des espaces d’auto-organisation, d’autonomie, de coopération et d’échanges volontaires que cette organisation offre aux individus. » De ce point de vue, Gorz est proche des mouvements spontanéistes. La publication d’Adieux au prolétariat en 1980 suscitera sa mise au ban d’une bonne partie de la gauche communiste et productiviste.

Expresso : les parcours interactifs
Comment résister à la paraphrase ?
« Éviter la paraphrase » : combien de fois avez-vous lu ou entendu cette phrase en cours de philo ? Sauf que ça ne s’improvise pas : encore faut-il apprendre à la reconnaître, à comprendre pourquoi elle apparaît et comment y résister ! 
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
9 min
Ivan Illich. La mesure du présent
26 mars 2015

« Décroissance » ne signifie pas récession. C’est avant tout un combat pour l’autonomie que mène Ivan Illich. Pour cela, il convient selon lui, de se libérer des impératifs productivistes comme de notre dépendance à la technique…


Article
2 min
Ivan Illich. Son œuvre
Mathilde Lequin 26 mars 2015

Face aux poids des institutions et à l’apparente absurdité des sociétés industrielles, les livres d’Ivan Illich apparaissent comme un remède vivifiant.


Article
15 min
Le spectre de Marx plane sur les États-Unis
Octave Larmagnac-Matheron 18 novembre 2020

Quoi de plus incompatible, en apparence, que les États-Unis, berceau et fer de lance du capitalisme mondialisé et de la pensée de Karl Marx ?…

Le spectre de Marx plane sur les États-Unis

Article
13 min
Benoît Pelopidas : “Envisageons que ce qui nous approche de la victoire ukrainienne augmente le risque nucléaire”
Martin Legros 04 octobre 2022

Alors que la menace d’une escalade nucléaire dans la guerre en Ukraine n’a jamais été aussi élevée, nous avons demandé à Benoît Pelopidas,…

Benoît Pelopidas : “Envisageons que ce qui nous approche de la victoire ukrainienne augmente le risque nucléaire”

Article
2 min
L’europe, les Verts et André Gorz
Cédric Enjalbert 30 mai 2019

Le succès des Verts aux élections européennes changera-t-il la donne écologique ? Dans les années 1970, André Gorz met déjà en garde contre les…

L’europe, les Verts et André Gorz

Article
2 min
Dans le théâtre d’André Gorz
Cédric Enjalbert 21 décembre 2018

Un an avant de mourir avec son épouse, André Gorz publie une lettre d’amour testamentaire : “Lettre à D.” David Geselson s’est emparé de ce…

Dans le théâtre d’André Gorz

Article
10 min
Michel Rocard : “ Le parfum de la démocratie est ennuyeux ”
Jean-François Duval 31 août 2012

Michel Rocard, ancien Premier ministre, voit dans l’abstention record aux régionales de mars dernier une crise politique majeure et pointe du…

Michel Rocard : “ Le parfum de la démocratie est ennuyeux ”

Article
9 min
Arme nucléaire : “Vis-à-vis de la Russie, nous sommes dans un rapport du faible au fort”
Ariane Nicolas 04 mars 2022

Pour la première fois depuis des décennies, l’Europe est menacée par une puissance nucléaire. Une menace proférée par Vladimir Poutine, à…

Arme nucléaire : “Vis-à-vis de la Russie, nous sommes dans un rapport du faible au fort”

À Lire aussi
Benoît Pelopidas : “La doctrine de la dissuasion nucléaire exige aussi que la possibilité de la guerre nucléaire reste ouverte”
Benoît Pelopidas : “La doctrine de la dissuasion nucléaire exige aussi que la possibilité de la guerre nucléaire reste ouverte”
Par Martin Legros
février 2022
Les philosophes et le communisme. L’idée survivra-t-elle à l’histoire ?
Les philosophes et le communisme. L’idée survivra-t-elle à l’histoire ?
février 2014
La comédie du pouvoir : entretien avec Jacques Julliard 
La comédie du pouvoir : entretien avec Jacques Julliard 
Par Octave Larmagnac-Matheron
juillet 2019
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. André Gorz, un utopiste lucide à la pensée prophétique
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse