Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

© Frédéric Poletti pour PM

Claudio Magris. « La mort a moins de pouvoir qu'on ne croit »

Claudio Magris, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 27 mai 2009 14 min

Résolument européen, désenchanté mais convaincu que l’Histoire et la démocratie ont besoin d’utopies antitotalitaires, l’écrivain triestin Claudio Magris défend avec poésie sa vision de la vie comme écoulement imprévisible.

Claudio Magris est peut-être le plus européen des écrivains vivants. Citoyen de Trieste, ville partagée entre l’héritage austro-hongrois, la culture italienne, le monde occidental et le monde slave, il écrit en italien et a mené cet entretien en français, mais sa véritable spécialité est la littérature allemande moderne et contemporaine, qu’il enseigne à l’université de Trieste. Chroniqueur influent au Corriere della Sera, sénateur (l’équivalent d’un député français) au Parlement italien entre 1994 et 1996, il poursuit une œuvre d’écrivain érudite, qui rencontre un véritable succès parmi les lecteurs. Son chef-d’œuvre, Danube, est un voyage au cœur de la géographie, de l’histoire et de la philosophie de la Mitteleuropa, qui commence à la source du fleuve au milieu de la Forêt-Noire pour s’achever sur les rives de la mer Noire, croisant au passage les ombres de Martin Heidegger, Georg Lukács ou Ludwig Wittgenstein. Toute l’œuvre de Magris raconte un combat mélancolique, celui de l’homme qui cherche à se rendre maître et possesseur du monde par son travail et sa culture, à forger et à défendre des valeurs, tout en étant conscient du caractère éphémère et périssable de ses entreprises et en acceptant d’être le jouet du devenir.

Claudio Magris est aussi le dernier grand représentant de la tradition littéraire triestine. Dans cette petite ville de 200 000 habitants située sur l’Adriatique, Stendhal a été consul, Italo Svevo a vécu et écrit La Conscience de Zeno, l’un des classiques italiens du XXe siècle, et James Joyce, en exil, a rédigé une bonne partie d’Ulysse. C’est également dans le château de Duino, à quelques kilomètres de là, sur la côte, que Rainer Maria Rilke a composé ses célèbres Élégies. Entrer dans l’univers de Magris, c’est donc plonger au cœur d’un tourbillon fécond, découvrir ce que la culture européenne a produit de meilleur.

 

Philosophie magazine : Vous êtes né en 1939 à Trieste, ville secouée par les soubresauts de l’histoire qui fut revendiquée par l’Empire austro-hongrois, l’Allemagne, l’Italie ou la Yougoslavie. Comment avez-vous vécu ce multiculturalisme ?

Claudio Magris : Les villes frontalières créent bien sûr des occasions de rencontre entre différentes communautés et cultures, mais sont souvent divisées par des murs qui empêchent les uns de voir les autres. La première expérience concrète que j’ai faite de ce brassage problématique, c’est lors du dernier hiver de la guerre, en 1944-1945. J’avais 5 ou 6 ans, j’étais à Udine, non loin de Trieste. Udine était alors occupée par les soldats nazis, mais aussi par des Cosaques, qui avaient été ramassés par les Allemands pendant leur attaque contre l’Union soviétique. Une partie d’entre eux était des exilés blancs, qui avaient fui la Russie après la Première Guerre mondiale. Les Allemands leur avaient promis qu’ils créeraient une patrie cosaque, laquelle, selon le plan initial du IIIe Reich, aurait dû être située quelque part en Union soviétique. Mais comme la guerre tournait mal pour les Allemands, cette patrie avait été déplacée sur la carte géographique, comme dans un jeu grotesque et tragique, pour être installée pendant quelques mois dans le Frioul. J’étais petit, je ne savais rien de ces choses-là, mais je voyais ces soldats cosaques qui ne ressemblaient pas aux autres, ni aux Italiens ni aux Américains, qui avaient beaucoup de chevaux et des chameaux, et qui campaient dans la neige – j’étais fasciné par leur différence, leur altérité ostensible. Cette situation a été ma première découverte de la particularité de Trieste comme creuset des cultures. Le destin des Triestins a toujours été incertain : si le IIIe Reich allié à l’Italie avait remporté la guerre, la ville aurait dû être le chef-lieu d’un territoire adriatique annexé par les Allemands ; après la Deuxième Guerre, le territoire libre de Trieste était administré par les Américains et les Anglais, mais l’Italie et la Yougoslavie de Tito se le disputaient… Or, les Triestins avaient tant souffert de la violence du fascisme italien qu’une partie d’entre eux étaient tentés par le communisme. Les antifascistes étaient divisés. On ne savait pas trop si notre ville appartenait au monde occidental ou au bloc stalinien, on se sentait dans une situation provisoire. C’est de là que me vient la conscience aiguë de l’incertitude du futur, de la précarité de l’Histoire, mais aussi de la nécessité de défendre certaines valeurs pour contenir sa violence.

Expresso : les parcours interactifs
Pourquoi lui, pourquoi elle ?
Comment expliquer nos choix amoureux ? Faut-il se fier au proverbe « qui se ressemble, s'assemble », ou doit-on estimer à l'inverse que « les opposés s'attirent » ? La sociologie de Bourdieu et la philosophie de Jankélévitch nous éclairent.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
5 min
“La Trahison des images” : René Magritte philosophe au Centre Pompidou
Cédric Enjalbert 21 octobre 2016

Le Centre Pompidou consacre une importante exposition à René Magritte, découvrant l’appétence du peintre belge pour la philosophie. Manquant…

“La Trahison des images” : René Magritte philosophe au Centre Pompidou

Bac philo
2 min
L’histoire
Nicolas Tenaillon 01 août 2012

On peut donner deux sens au mot histoire : ce que l’homme a vécu, et le récit qu’il en fait. En tant que récit, l’histoire suppose l’écriture, dont l’invention marque le passage de la préhistoire à l’histoire. Tournée vers le passé,…


Article
3 min
“The Lobster”: Yórgos Lánthimos démonte l’utopie du couple
Camélia Echchihab 07 novembre 2015

Après “Canine” et “Alps”, le cinéaste grec Yórgos Lánthimos poursuit avec “The Lobster” l’élaboration d’une contre-utopie, renversant les normes…

“The Lobster”: Yórgos Lánthimos démonte l’utopie du couple

Article
3 min
L’utopie : un autre monde est possible
Martin Duru 11 septembre 2023

Au cœur de cette période de grandes découvertes et de crises politiques et religieuses, un genre littéraire et philosophique voit le jour : l’utopie. Autres lieux, autres temps : ces créations imaginaires permettent à la…


Article
8 min
Insolente utopie
Martin Legros 02 octobre 2012

L’utopie a mauvaise presse. On reproche aux inventeurs de mondes parfaits d’être irréalistes, voire de faire le lit du totalitarisme. Pourtant, la…

Insolente utopie

Entretien
16 min
Svetlana Alexievitch : “J’écris l’histoire des âmes”
Michel Eltchaninoff 23 octobre 2014

[Actualisation : Svetlana Alexievitch, lauréate du Prix Nobel de littérature en 2015] Régulièrement pressentie pour le prix Nobel de littérature,…

Svetlana Alexievitch : “J’écris l’histoire des âmes”

Article
6 min
Lire et relire Anne Dufourmantelle
Jean-Marie Durand 11 mai 2022

De la douceur à l’enfance, du secret au rêve et au risque, la philosophe et psychanalyste Anne Dufourmantelle n’a cessé d’interroger dans son…

Lire et relire Anne Dufourmantelle

Le fil
3 min
“Magritte et les philosophes”, de Sémir Badir
Frédéric Manzini 06 mai 2021

Peut-on penser en images ? C’est le défi auquel nous invite la peinture de Magritte, selon le philosophe et sémiologue belge Sémir Badir. Dans son livre…

“Magritte et les philosophes”, de Sémir Badir

Article issu du magazine n°30 mai 2009 Lire en ligne
À Lire aussi
De la reine Victoria à Thatcher, May et Truss : est-il plus simple de devenir une femme de pouvoir au Royaume-Uni ?
De la reine Victoria à Thatcher, May et Truss : est-il plus simple de devenir une femme de pouvoir au Royaume-Uni ?
Par Jean-Marie Pottier
septembre 2022
Marcel Gauchet, Jean-Luc Mélenchon. Robespierre, le retour ?
Marcel Gauchet, Jean-Luc Mélenchon. Robespierre, le retour ?
Par Raphaëlle Serero
octobre 2018
Kenzaburô Ôé : “La littérature guérit du désespoir”
Par Alexandre Lacroix
août 2015
  1. Accueil-Le Fil
  2. Entretiens
  3. Claudio Magris. « La mort a moins de pouvoir qu'on ne croit »
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse