Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Marcel Gauchet et Jean-Luc Mélenchon en 2018 © Édouard Caupeil

Marcel Gauchet, Jean-Luc Mélenchon. Robespierre, le retour ?

Jean-Luc Mélenchon, propos recueillis par Raphaëlle Serero publié le 24 octobre 2018 17 min

Pour beaucoup, Robespierre est un monstre froid et sanguinaire. Pourquoi donc Marcel Gauchet lui a-t-il consacré son dernier essai, “Robespierre. L’homme qui nous divise le plus” ? Pour le philosophe, il s’agit avant tout d’un personnage “tragique” et plus complexe qu’on ne le croit, qui incarne à la fois l’espoir et les impasses du pouvoir populaire. Un pouvoir populaire revendiqué aujourd’hui par Jean-Luc Mélenchon, qui assume pleinement l’héritage de la Révolution française et n’hésite pas à s’identifier avec l’une de ses figures les plus emblématiques et controversées.

Voici un document étonnant. Robespierre, l’une des figures les plus honnies de l’histoire de France, à qui l’on attribue la dictature du Comité de salut public, la Terreur et la répression aveugle, serait-il en train d’être réhabilité ? De la part de Jean-Luc Mélenchon, ce n’est pas si surprenant. Le leader de La France insoumise le cite dans ses discours, s’indigne de l’image qu’en donne le jeu vidéo Assassin’s Creed Unity. Il reprend aussi l’injure favorite du chef des Jacobins : « Fripons » ! Et il fait sien le mot favori de Robespierre – « vertu » –, même s’il a été associé à celui de « Terreur ». Mélenchon, qui a renoncé à beaucoup d’éléments du marxisme, trouve en Robespierre un modèle issu de l’histoire nationale, des concepts et presque un modèle théorique d’explication du monde. Il suffit de pénétrer dans son bureau de l’Assemblée nationale, décoré de tableaux issus de l’imagerie révolutionnaire, pour comprendre l’importance du personnage dans le dispositif des Insoumis. 

Ce retour de Robespierre peut sembler beaucoup plus curieux chez Marcel Gauchet, qui vient de faire paraître Robespierre. L’homme qui nous divise le plus (Gallimard). Cet intellectuel a abandonné le marxisme de sa jeunesse et a été très proche des penseurs antitotalitaires et libéraux des années 1980-1990. Mais il dresse un constat amer de l’individualisme contemporain : « L’autonomie était pensée comme la solution ; elle se révèle le problème », écrit-il dans Le Nouveau Monde (Gallimard, 2017). Face à une démocratie néolibérale où la souveraineté de l’individu remplace celle du peuple, revenir à la Révolution française et à l’un de ses acteurs majeurs est, selon lui, une nécessité. Gauchet pose avec Robespierre une question philosophique à notre temps. Cet homme a incarné, mieux que Danton, Saint-Just ou Condorcet, l’immense espoir de la Révolution, celui d’un peuple se gouvernant enfin lui-même. Mais il a poussé cette idée jusqu’au bout, et la liberté s’est transmuée en despotisme. Champion des droits de l’homme, Robespierre est devenu complotiste, « égolâtre », cynique, aveugle. Il a fini par faire basculer la Révolution « vers un système inédit d’oppression ». L’histoire de la Révolution est-elle donc, comme le pense Marcel Gauchet, une « tragédie » ? Le débat a été cordial. La faconde de Jean-Luc Mélenchon, ses emportements et son ton impérieux n’y sont évidemment pas pour rien. C’est surtout que Robespierre, dont de nouvelles biographies ont montré qu’il n’était pas complètement le « monstre » qu’une partie de l’histoire française a bien voulu décrire, est le nom d’une question non encore résolue : comment instaurer le pouvoir du peuple ? C’est sous cet angle inquiet qu’il convient de lire cet échange inédit.

Robespierre pour les nuls
Né en 1758 à Arras, cet avocat participe aux États généraux de 1789. Membre de l’Assemblée constituante, il rappelle le principe de la souveraineté du peuple et dénonce les complots contre-révolutionnaires. Il gagne sa réputation d’« incorruptible » et devient la figure centrale du Club des Jacobins. Après la fuite manquée du roi le 20 juin 1791 et son arrestation, il incarne la fidélité à la poursuite du processus révolutionnaire. Lors du soulèvement de la Commune de Paris, le 10 août 1792, Robespierre se tient à l’écart. Il reste muet sur les massacres de septembre dans les prisons. Mais il minimise et justifie les violences. Le 21 septembre 1792, la République est proclamée, et la Convention mise en place. Robespierre réclame la mort du roi. Après l’exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793, les tensions politiques, les émeutes, les trahisons, la guerre à l’extérieur et la révolte vendéenne à l’intérieur précipitent le pays vers le chaos. Le Comité de salut public est installé en avril. Robespierre en devient l’homme fort. Le gouvernement révolutionnaire est proclamé, et la Constitution suspendue. Les Vendéens sont vaincus, massacrés, noyés par milliers. Les résistances à Lyon, Toulon ou Marseille sont réprimées dans le sang. La Terreur débute. Robespierre, qui navigue toujours entre les factions, participe activement aux campagnes de dénonciation qui envoient à l’échafaud de grandes figures de la Révolution. Il trahit Danton et d’autres compagnons, exécutés en avril 1794. Robespierre entend continuer l’épuration et semble vouloir s’attaquer à l’Assemblée nationale. On le soupçonne de vouloir concentrer tous les pouvoirs entre ses mains. Le 8 juin, il prend la tête de la fête en l’honneur de l’Être suprême, la célébration d’une divinité théiste fondée sur la raison. Ses collègues organisent sa chute. Le 27 juillet (9 thermidor, selon le calendrier révolutionnaire), l’offensive est lancée à l’Assemblée. Robespierre est arrêté et guillotiné le lendemain. Une nouvelle répression commence, celle des « chevaliers de la guillotine ». Le 31 octobre, un Directoire est mis en place.

 

Jean-Luc Mélenchon : J’ai découvert le personnage de Robespierre vers 14 ans, à la télévision, dans la série La caméra explore le temps. Sur le moment, ce n’était pas ce bonhomme en bas et perruque qui m’enthousiasmait, mais plutôt le groupe le plus à gauche des « Exagérés », les partisans de Hébert. Plus tard, je me suis davantage identifié à Robespierre en étudiant l’histoire du socialisme. Voyez ces lignes de Jaurès : « Ici, sous ce soleil de juin 1793 qui échauffe votre âpre bataille, je suis avec Robespierre, et c’est à côté de lui que je vais m’asseoir aux Jacobins. » Le personnage a pris alors un relief auquel je n’avais pas songé. Puis Robespierre a disparu de ma vie et de l’actualité. Après la chute du Mur, toute la période, des années 1990 et 2000, interdisait de parler de révolution et de peuple révolutionnaire. Robespierre est réapparu avec le retour du « moment dégagiste ». De jeunes historiens ont réagi à cette idée fausse : la farce d’une Révolution tragique et d’un Robespierre monstrueux. Au même moment émergeait ce que j’incarne aujourd’hui en politique, les Insoumis, les « dégagistes ». Coïncidence : lors de ma toute première prise de parole à l’Assemblée nationale, quelqu’un a crié : « Eh ! Voilà Robespierre… On sait comment ça finit ! » Je me suis alors dit : « Waouh ! Ma vie est faite ! »

Expresso : les parcours interactifs
Aimer sa moitié avec le Banquet
On dit parfois que la personne aimée est « notre moitié », celui ou celle qui nous complète. L'expression pourrait trouver son origine dans le mythe des androgynes, raconté dans le Banquet de Platon ! Découvrez ce récit fascinant.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
9 min
Jean-Luc Mélenchon : un portrait philosophique
Nicolas Gastineau 10 juin 2022

Sous les pavés, les concepts ? Lorsque le tribun Jean-Luc Mélenchon prend la parole, force est de constater que les idées philosophiques se…

Jean-Luc Mélenchon : un portrait philosophique

Article
9 min
Marcel Gauchet: “Entre Rousseau et nous, il y a Darwin”
Martin Duru 21 mai 2014

L’“Émile” a révolutionné notre conception de l’éducation en faisant de l’autonomie de l’enfant la fin et le ressort de tout apprentissage. Mais il aura fallu plus de deux siècles et des moyens opposés à ceux qu’envisageait Rousseau pour…


Article
8 min
Marcel Gauchet : “C’est un réveil du politique”
Martin Legros 17 mars 2020

Lors de son allocution du 16 mars 2020, Emmanuel Macron soutient que la France est entrée “en guerre” contre le Covid-19. Dans un entretien…

Marcel Gauchet : “C’est un réveil du politique”

Article
15 min
Éric Fassin, Marcel Gauchet. Ce qui nous sépare
Martin Duru 17 janvier 2017

Si Marcel Gauchet se déclare “philosophiquement socialiste” et entend ranimer le projet d’une transformation de la société, Éric Fassin s’affirme résolument “de gauche” et combat pour les droits des minorités. Alors qu’ils s’accordent à…


Article
11 min
Rémi Brague, Marcel Gauchet.
Michel Eltchaninoff 25 mai 2016

Réserve de questions éthiques, la philosophie peut-elle prendre le relais des croyances religieuses ? La question fait figure d’hérésie pour Rémi Brague. Pas si simple, lui répond Marcel Gauchet.


Article
13 min
Marcel Gauchet: “Unis, mais pour combien de temps?”
Martin Duru 02 décembre 2015

Face à une forme de terrorisme qui vise désormais la société dans son ensemble, c’est le sens même du contrat démocratique qui est en jeu,…

Marcel Gauchet: “Unis, mais pour combien de temps?”

Article
2 min
Alain Badiou, Marcel Gauchet. Que faire ?
02 octobre 2014

Dans un dialogue inédit et exclusif, Alain Badiou, figure de proue de la gauche radicale et principal avocat de l’idée communiste, et Marcel…

Alain Badiou, Marcel Gauchet. Que faire ?

Article
3 min
Marcel Gauchet : « L’opposition est plutôt de l’ordre de l’affect »
Martin Legros 26 septembre 2012

Marcel Gauchet, philosophe et auteur d’un article “La droite et la gauche” paru dans “Les Lieux de mémoire” (Gallimard), reprend son analyse en regard de l’actualité.  


Article issu du magazine n°124 octobre 2018 Lire en ligne
À Lire aussi
Marcel Gauchet. « Les religions comblent un vide du discours social »
Par Martin Legros
septembre 2012
Marcel Gauchet : “Le vrai programme de Sarkozy est simple, c’est la banalisation de la France”
Par Michel Eltchaninoff
août 2012
Marcel Gauchet: “Le politique permet à la société de tenir ensemble”
Marcel Gauchet: “Le politique permet à la société de tenir ensemble”
Par Nicolas Truong
février 2007
  1. Accueil-Le Fil
  2. Dialogues
  3. Marcel Gauchet, Jean-Luc Mélenchon. Robespierre, le retour ?
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse