Disparition de Peng Shuai : le bal des hypocrites
« Où est Peng Shuai ? » C’est ce qu’ont demandé des millions d’internautes après que la joueuse de tennis chinoise a disparu. Une disparition qui faisait suite à des accusations de viol qu’elle avait portées contre un dirigeant chinois. Dans cette tribune, le philosophe Pierre Vesperini regrette que les instances internationales comme le Comité international olympique (CIO) ne prennent pas assez au sérieux la situation de la jeune femme, par peur de la réaction du pouvoir totalitaire chinois.
« Ce sentiment de honte est un des plus puissants motifs de la philosophie. Nous ne sommes pas responsables des victimes, mais devant les victimes. »
La honte d’être un homme. Cette expression si forte de Deleuze et Guattari, inspirée par Primo Levi et publiée dans Qu’est-ce que la philosophie ? (1991) m’a sauté au visage en lisant avant-hier le communiqué du président du Comité international Olympique (CIO), l’Allemand Thomas Bach.
Il prétend faire savoir au monde qu’il s’est entretenu une demi-heure par visioconférence avec la joueuse de tennis Peng Shuai, et qu’elle a fait les déclarations suivantes :
« Peng Shuai a remercié le CIO pour sa préoccupation quant à son bien-être. Elle a expliqué qu’elle était en sécurité et en bonne santé, qu’elle vivait chez elle à Pékin, mais qu’elle souhaitait que sa vie privée soit respectée pour le moment. C’est pourquoi elle préfère passer son temps avec ses amis et sa famille en ce moment. Néanmoins, elle continuera à s’impliquer dans le tennis, le sport qu’elle aime tant. »
Pas un mot sur l’origine de la « préoccupation quant à son bien-être ». Pas le signe de la moindre conversation, de la moindre question qu’il aurait pu lui-même lui poser, des questions toutes simples telles que : pourquoi est-il impossible d’entrer en contact avec elle ? Peut-elle voyager librement ? Pourquoi n’a-t-elle plus publié de messages sur son compte Weibo [le réseau social le plus populaire en Chine] ? Pourquoi refuse-t-elle de parler aux médias indépendants ? Le courriel qui lui a été attribué par les médias d’État, démentant ses accusations contre l’un des hommes les plus puissants de Chine, est-il authentique ?
En outre, aucun témoin indépendant du CIO n’était là pour confirmer la durée de la conversation ou pour en jauger le degré de liberté. Il faut croire sur parole le président du CIO, ainsi que les deux fantoches qui disent avoir également participé à l’appel : la Finlandaise Emma Terho, joueuse de hockey sur glace et présidente de la commission des athlètes du CIO, et la Chinoise Li Lingwei, membre du conseil d’administration du CIO, présentée comme une « amie de longue date ».
Rassurer l’opinion mondiale
Ce qui est présenté comme un compte rendu établissant un certain nombre de faits basés sur « une conversation d’une demi-heure » ressemble donc en réalité à un pur et simple communiqué de propagande, orné d’une jolie photo, où, dans un décor paraissant sorti d’une publicité pour Conran Shop, éclairé par une lumière douce et paisible, on voit Thomas Bach face à un écran où Peng Shuai apparaît radieuse, devant une ribambelle de peluches de toutes les couleurs.
Tout est fait pour rassurer l’opinion mondiale. Dans le même communiqué, Emma Terho déclare ceci :
« J’ai été soulagée de voir que Peng Shuai se portait bien, ce qui était notre principale préoccupation. Elle semblait détendue. Je lui ai offert notre soutien et lui ai proposé de rester en contact à tout moment, ce qu’elle a clairement apprécié. »
Rien de plus hypocrite que ces mots. La « principale préoccupation » n’a jamais été la santé ou la vie de Mme Peng. Personne n’a jamais craint sérieusement pour la vie physique de Mme Peng, en tout cas à l’heure actuelle. Il était inconcevable d’éliminer physiquement, et en quelque sorte sous les yeux du monde entier, la championne de tennis. La « principale préoccupation » de tous, c’est évidemment la liberté de Mme Peng. Et comme l’écrivait récemment William Nee, « tant que les médias internationaux ne pourront pas s’entretenir avec Peng Shuai, de préférence à l’étranger, on peut raisonnablement supposer qu’elle est privée de sa liberté. »
Richesse des graphismes, modélisations 3D de haut vol, mondes « ouverts » envoûtants : les jeux vidéo suscitent une expérience…
La quête de la vérité est le but même de la philosophie. Le Vrai constitue pour Platon, avec le Beau et le Bien, une valeur absolue. Mais qu’est-ce que la vérité et comment y accéder puisqu’on ne peut la confondre avec la réalité ? On…
La Chine fait peur, c'est un fait. En 2020, plus que jamais – du moins « de par chez nous ». Trop grande, trop secrète, trop puissante,…
À l’instar du mouvement QAnon, les théories du complot se multiplient aujourd’hui. Ainsi que les tentatives d’explication : crise de…
Un crâne, retrouvé en 1965 dans des décombres à Oakridge, près de Basingstoke (Royaume-Uni), a été identifié. Il appartenait à une…
À l’approche des jeux Olympiques, la Chine durcit ses positions. Emprisonnements et répressions au Tibet, notamment, s’accélèrent. Plus que les sportifs, ce sont les politiques qui doivent boycotter les cérémonies pour exiger le respect…
Les trigger warnings sont en train de gagner du terrain dans la sphère culturelle. Ces messages sont destinés à avertir un public dont des membres…
Défouloirs addictifs ou plongées dans d’autres mondes virtuels, les jeux vidéo sont en tout cas la première industrie culturelle au monde. Les…