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Marignan, près de Milan (Italie), le 30 janvier 2023. Des agriculteurs italiens garent leurs tracteurs le long de la route lors d’une manifestation devant une entrée d’autoroute. L’écriteau indique “Nous sommes prêts à tout bloquer, trahis par l’Europe”. Comme en France, leurs revendications couvrent plusieurs sujets. © Gabriel Bouys/AFP

La grande question

D’où vient la colère des agriculteurs ?

Octave Larmagnac-Matheron publié le 30 janvier 2024 10 min

France, Allemagne, Pays-Bas, Italie… la colère des paysans gagne l’Europe. D’où vient la souffrance des agriculteurs ? Quelques pistes d’explication.


 

Blocage des ports, manifestations sur les autoroutes, siège de Paris… En France, mais désormais aussi partout en Europe, les agriculteurs manifestent leur exaspération. En ligne de mire, l’augmentation du prix du gazole. Mais quelles sont les racines profondes de leur colère ? À première vue, les doléances sont multiples et entrecroisées. La première revendication est économique : les cultivateurs réclament une meilleure rémunération, donc de meilleurs prix pour les biens agricoles. Par ailleurs, ils remettent en question la prolifération incessante des normes – environnementales en particulier – qui rendent leur travail impossible et les défavorisent dans la concurrence avec les produits importés. Enfin, sous-jacente à la colère des exploitants, se fait entendre le désir d’une « meilleure considération par la société ». Pollution, maltraitance animale, etc. : le monde paysan dénonce volontiers la « stigmatisation » dont il se sent injustement victime, et plus généralement le mépris de la société à l’égard de la ruralité. S’ils ne s’y réduisent pas, ces trois axes comportent à chaque fois un élément de tension avec les enjeux écologiques. Population vivant peut-être le plus étroitement en lien avec la nature, les agriculteurs sont souvent accusés d’y nuire tout particulièrement. C’est l’ensemble de ces problématiques imbriquées qu’il s’agit d’essayer de comprendre.

1) La paupérisation des agriculteurs

Pourquoi les agriculteurs sont-ils si pauvres ? Historiquement, les paysans constituent une population qui vit en grande partie en quasi « autarcie », comme le résume le spécialiste de l’agriculture biologique Yvan Besson dans « L’Agriculture et l’argent : la critique agrobiologique de l’economie moderne » (2007). Chaque producteur vend son surplus dans les rues, de manière anarchique. Le rapport de force penche du côté du paysan : la demande est, dans l’ensemble, plus forte que l’offre. Le paysan exerce dès lors un certain contrôle sur les prix. Ce pouvoir paysan suscite l’inquiétude des populations citadines et la méfiance du pouvoir politique. C’est pour répondre à ce problème que sera instaurée une logique de marché dans la production agricole, avec la création des Halles de Paris, la première du genre. Raymond Delatouche a mis en évidence le changement de perspective qui s’opère alors dans La Chrétienté médiévale. Un modèle de développement (1989). La transparence de la négociation, l’homogénéisation des produits présentés tendent à renverser le rapport de force entre producteur et consommateur. L’agriculture devient ainsi le premier marché en concurrence pure et parfaite régi par la loi anonyme de l’équilibre entre l’offre et la demande. Et il reste le seul, quoiqu’en dise le discours libéral. L’extraction des autres matières premières (énergétiques notamment) suppose des investissements importants, donc une configuration oligopolistique du marché – là où l’agriculture, portée par la générativité spontanée du vivant, est immédiatement accessible. De leur côté, les produits industriels, frappés du sceau de la marque distinctive, sont moins interchangeables que les produits agricoles.

Se développe dès lors un déséquilibre économique de plus en plus marqué, à la défaveur des agriculteurs. « C’est le phénomène des ciseaux : toujours plus de produits agricoles pour le même produit ouvré », commente Delatouche. De plus, la valeur d’usage des biens agricoles est très largement inférieure à leur valeur d’échange relative sur le marché. En effet, les produits agricoles sont enserrés dans la catégorie du besoin, de la nécessité, là où les produits ouvrés participent davantage d’une économie du désir, qui fait l’objet d’un investissement libidinal et financier supérieur. Dépouillé de son influence sur les prix, l’agriculteur se retrouve du reste à la merci des cours extrêmement variables du marché.

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