Du réarmement moral au réarmement civique : quels enjeux ?
C’est le nouveau mot d’ordre du président Macron : il faut insuffler, en France, un « réarmement civique ». D’où vient cette idée ? Petite généalogie d’une notion très actuelle.
Où donc Emmanuel Macron a-t-il puisé son nouveau leitmotiv, celui du « réarmement civique » ? L’expression fait immanquablement écho à une autre, qui a marqué l’histoire des idées de l’immédiat après-guerre : le « réarmement moral », mouvement international fondé en 1938 par le pasteur américain Frank Buchman (1878-1961), qu’Élisabeth Roudinesco définit, dans Généalogies (1994), comme un « mouvement de régénération de l’homme » (2014). Le président évoquait lui-même récemment sur X un « projet de réarmement et de régénération ».
Le rapprochement paraît d’autant mieux fondé qu’en 2006, François Bayrou, un proche du chef de l’État, faisait déjà référence au réarmement moral. On n’oubliera pas non plus qu’en France, le principal philosophe qui fit la promotion du réarmement moral fut Gabriel Marcel (1889-1973), directeur et préfacier de l’ouvrage de témoignages Un Changement d’espérance. À la rencontre du réarmement moral (1959). Marcel, figure centrale de l’existentialisme chrétien, fut le maître d’un autre philosophe familier d’Emmanuel Macron : Paul Ricœur. Bref, un faisceau d’indices invite à explorer plus avant le mouvement tombé en désuétude que fut le réarmement moral.
Aux origines du réarmement moral
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le monde apparaît, à tous les niveaux, rongé par d’insurmontables divisions. Sur la scène géopolitique, le conflit international a révélé l’antagonisme profond entre les différents États et nations du globe. L’hostilité entre le bloc soviétique et le bloc occidental forme comme le nouvel avatar de ces clivages aux conséquences terribles. À l’intérieur, la lutte des classes déchire les sociétés et l’anomie, la dissolution des liens, suscite un désespoir apparemment sans issue. C’est contre cette division généralisée que s’affirme le réarmement moral, qui émerge au sein des Groupes d’Oxford lancés par le pasteur Buchman.
Ce dernier dénonce, dans Refaire le monde (1949), l’insuffisance des réponses apportées à la crise du monde contemporain : réponses politiques, diplomatiques, militaires, économiques, financières, légales – qui toutes manquent l’essentiel : « La crise est essentiellement d’ordre moral. » C’est seulement en insufflant un renouveau moral, un « esprit nouveau chez les hommes », que les clivages du monde et les mises subséquentes s’évanouiront.
Pas si vite nous dit Spinoza, dans cet éloge à la fois vibrant, joyeux et raisonné de l'amour en général.
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