Éducateur en congé parental
“On ne connaît point l’enfance” (“Émile”). Comprendre : lui, Jean-Jacques, sait mieux que quiconque ce qu’elle est. Vraiment ? L’auteur de l’“Émile” ne s’est pourtant pas embarrassé de sa progéniture.
Les cinq enfants qu’il a eus avec Thérèse Levasseur ont tous été placés dans l’institution parisienne des Enfants-Trouvés – un procédé courant à l’époque. En 1751, Rousseau, dans une lettre à Madame de Francueil, argue de sa pauvreté, de sa santé fragile ; sa décision est un « malheur dont il faut [le] plaindre, et non un crime à [lui] reprocher ». Dix ans plus tard, se croyant à l’article de la mort, il demande à Madame de Luxembourg de lancer des recherches pour retrouver l’aîné(e). Cette dernière s’y attelle, croit même avoir identifié le sexe (féminin) de l’enfant… quand Rousseau fait marche arrière et la prie de renoncer. Autant porter seul, dans l’intimité, « la peine de [sa] négligence ». C’était sans compter sur Voltaire. Le meilleur de ses ennemis lâche une bombe dans Le Sentiment des citoyens (1764). Le pamphlet, riche en amabilités – Rousseau y est décrit comme un pervers atteint de syphilis, un hurluberlu déguisé en « saltimbanque » –, dévoile au monde que le penseur de la bonté originelle de l’homme « a exposé [ses] enfants à la porte d’un hôpital ». Sonné, l’incriminé remonte sur le ring avec Les Confessions. Sur la question de ses enfants, omniprésente dans l’œuvre, il oscille entre une certaine désinvolture (« je m’y déterminai gaillardement, sans le moindre scrupule », à propos du premier abandon) et l’aveu contrit d’un sentiment de culpabilité, évoquant sa « faute » ou les « regrets de [son] cœur ». Rousseau martèle son innocence bafouée : il a cru « faire acte de citoyen et de père » responsable, en délaissant une tâche dont sa situation le rendait incapable. Et puis, dit-il, c’était pour leur bien à eux. L’orphelinat, une chance pour l’enfant, une condition favorable à son perfectionnement ? C’est déjà ce que soutenait Rousseau dans l’Émile, qui peut être lu en creux comme une première justification de sa trajectoire personnelle. Car Émile, cet « élève imaginaire », est orphelin. Son gouverneur aimant peut écrire : « C’est moi qui suis le vrai père d’Émile, c’est moi qui l’ai fait homme. » Écarter le père biologique au profit du mentor spirituel, s’affranchir des liens contraignants du sang pour penser une « éducation selon la nature » réussie : lisez-moi et vous (me) comprendrez, semble presque dire Jean-Jacques. On lui pardonne ?
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