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Eva Illouz en 2019 © Matthieu Zazzo

Eva Illouz : “Nous croyons à l’amour sans vraiment y croire”

Eva Illouz, propos recueillis par Catherine Portevin publié le 20 février 2019 15 min

La sociologue Eva Illouz a choisi de s’intéresser à nos émotions autrement qu’en termes psychologiques et philosophiques. Et démontre comment le capitalisme et la société de consommation ont fait main basse sur nos vies psychiques et affectives.

L’amour, la sexualité, les relations hommes/femmes, le bonheur, la connaissance de soi, les émotions… Sur ces sujets, habituellement pris en charge par la philosophie ou la psychologie, Eva Illouz fait entendre, de livre en livre, une voix singulière. L’amour ? Peut-être que c’est fini. Le bonheur ? Une industrie juteuse pour les psys, aux effets délétères. La libération sexuelle ? Pas sûr qu’elle ait été profitable aux femmes. L’émotion ? Un grand marché de l’authenticité. C’est toujours un peu désenchanteur, la sociologie, mais ça remet aussi nos ego flageolants dans l’histoire commune. On se sent moins seuls ! Eva Illouz, donc, est sociologue des émotions, une spécialité encore peu développée en France. L’on commence seulement à prendre ici la mesure d’une œuvre déjà reconnue aux États-Unis et surtout en Allemagne, où le journal Die Zeit a classée dès 2009 cette inclassable parmi les « douze penseurs de demain ». Ce mois-ci, elle livre les résultats de son groupe de recherche sur les « marchandises émotionnelles », qui font marché de nos affects en même temps qu’ils les font marcher. Et, en avant-première (dans un livre qui paraîtra au Seuil fin 2019), elle nous explique « pourquoi l’amour finit », pourquoi ce moteur de nos vies, qu’a promu le capitalisme, soutenu la société de consommation, accompagné la libération sexuelle, eh bien nous n’y croyons plus vraiment.

Eva Illouz est sociologue avec la rigueur scientifique qui lui importe ; elle est aussi sociologue à la manière de la romancière qu’elle n’est pas : intuitive, lucide et un peu cruelle, mais empathique pour les contradictions de ses contemporains. Les hasards de la vie l’ont faite étrangère, dit-elle. Née au Maroc dans une famille juive, elle arrive à Sarcelles à l’âge de 10 ans, grandit dans les lycées de la République, soutient sa thèse de sociologie en Pennsylvanie, s’installe à Jérusalem en 1991, devient l’une des intellectuelles de gauche les plus critiques du gouvernement israélien, enseigne en Allemagne, en France ou aux États-Unis. Si le français est sa langue maternelle, elle pense en anglais et engueule ses enfants en hébreu. Académiquement inclassable, elle navigue hors des écoles et coteries, et des obligations qu’elles créent. Politiquement, elle a choisi le camp des droits de l’homme et de la critique du capitalisme. Difficile d’attraper Eva Illouz, de la fixer et d’imaginer qu’elle ne biffera pas le point final au bout de la phrase qu’elle vient de dire. On l’a attrapée au vol, un dimanche matin parisien, au bord du canal…

Eva Illouz en sept dates

  • 1961 Naissance à Fès (Maroc)
  • 1971 Arrivée en France, à Sarcelles, avec sa famille
  • 1991 Doctorat de sociologie à l’Université de Pennsylvanie. Émigration en Israël
  • 2000 Professeure à l’Université hébraïque de Jérusalem
  • 2011 Parution de Pourquoi l’amour fait mal. L’expérience amoureuse dans la modernité. Grand retentissement critique international
  • 2015 Directrice de recherches à l’EHESS, à Paris
  • 2018 Professeure invitée à l’Institut d’études avancées de Princeton (États-Unis)

 

Dès le début de votre recherche dans les années 1980, vous vous êtes intéressée en sociologue au sentiment amoureux. Comment ce sujet s’est-il imposé ?

Eva Illouz : Les choix de recherche résultent d’une suite de hasards auxquels on trouve une justification théorique a posteriori. Mais, au fil de la vie, on comprend souvent que ces hasards sont déterminés par ce qui fait problème pour soi. J’ai eu très tôt l’intuition, sans vraiment la théoriser, d’abord que l’amour et la société de consommation étaient liées, ensuite que la position des femmes dans la relation amoureuse ne « fonctionnait » pas. J’avais été marquée par la lecture de Madame Bovary, et surtout par celle de Belle du Seigneur, deux romans qui proposent déjà une sociologie de l’amour. Les sentiments d’Emma sont déterminés par la culture de masse (son indigestion de romans « à l’eau de rose » et sa consommation des belles robes et colifichets) et par sa dépendance économique, qui est celle des femmes au XIXe siècle. L’amour chez Emma, c’est l’espoir d’échapper à la soumission abjecte de sa condition. Belle du Seigneur, d’Albert Cohen, est un roman sur le rôle fondamental du pouvoir dans l’attirance amoureuse que les femmes ont pour les hommes. Ces romans m’ont rendue sociologue. Ils ont changé mon imaginaire.

 

Comment la littérature demeure-t-elle pour vous une source ?

Les émotions contiennent toujours des amorces d’histoires. Les romans et le cinéma contribuent à les codifier. Mais surtout, la littérature s’est voulue psychologue en nous donnant à voir les motivations des personnages. C’est une mine d’or pour une sociologue des émotions, puisque, à travers ces motivations, Jane Austen, Balzac ou Houellebecq, par exemple, dévoilent les univers moraux de la société dont ils parlent. Ils les mettent en scène par l’imagination de façon plus dense que ne peut le faire la sociologie. J’ajoute qu’il faut lire la littérature avec les historiens, c’est-à-dire ne jamais penser que les romans reflètent la réalité. En croisant littérature et histoire, je tente d’extraire une sorte de cartographie de la vie émotionnelle.

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Article issu du magazine n°127 février 2019 Lire en ligne
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