Gwenaëlle Aubry. « La laideur révèle l’envers du monde »
Peu affrontée par la philosophie, l’anti-beauté nous enseigne, selon Gwenaëlle Aubry, à faire place au désordre qui menace l’existence.
Dans la laideur, il y a un tabou paradoxal. On n’en parle jamais, alors que c’est une donnée première de notre expérience. Visages ingrats, villes et paysages défigurés abondent dans notre quotidien. Confrontés à la laideur, notre réaction est immédiate, nous sommes révulsés. Il y a là quelque chose d’archaïque, de primitif : le nourrisson sourit à un visage harmonieux, pas à une gueule cassée. Pour les enfants, le vilain est un méchant, et ce partage enfantin, porté par les contes, demeure profondément ancré en nous. Au regard de cette expérience première, le discours littéraire ou philosophique est étonnamment silencieux. Dans Les Mots, Sartre écrit : « Je dirai un jour l’histoire de ma laideur. » Mais cette histoire, il ne l’a jamais contée. Seuls quelques rares textes disent l’effroi et la fascination devant la laideur.
La philosophie, elle, a le plus souvent recours à des stratégies de réduction, comme si elle ne pouvait ou ne voulait pas regarder la laideur en face. On peut distinguer trois grandes stratégies de réduction chez les philosophes grecs. Chez Platon, c’est la réduction ontologique : la laideur est associée au non-être, à la matière, au mal. Chez Marc Aurèle, c’est la réduction organiciste. Au travers d’une discipline du regard qui est un aussi une discipline de la laideur, Marc-Aurèle procède à une mise à nu du réel à travers sa « définition physique » : la pourpre n’est que « peau de brebis mouillée d’un sang d’un coquillage ». Mais la laideur n’a de valeur véritative et, ultimement, de beauté, qu’en tant qu’elle accompagne l’ensemble des processus de génération et de corruption, elle est intégrée comme un « supplément » ou une « conséquence accessoire » de la totalité de la nature. La troisième stratégie, la réduction cognitive, se lit chez Aristote : nous pouvons prendre du plaisir à la peinture d’une charogne, souligne-t-il, mais c’est un plaisir purement cognitif : nous reconnaissons que la charogne peinte correspond à la charogne réelle, et nous y prenons plaisir. C’est un plaisir de reconnaissance.
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