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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Yoann Cimier pour PM

Rencontre

Hamadi Redissi, un laïc en Tunisie

Hamadi Redissi, propos recueillis par Pierre Péju publié le 29 novembre 2012 14 min

La Tunisie a initié les printemps arabes… et elle est la première à avoir porté à sa tête un parti islamique après des élections libres. Entre provocations des religieux et progrès de la tolérance, l’avenir reste indéterminé. En février 2011, le philosophe Hamadi Redissi nous parlait avec enthousiasme des débuts de la révolution de jasmin. Aujourd’hui, il défend pied à pied les principes de démocratie et de laïcité contre les islamistes. Le romancier Pierre Péju s’est rendu chez lui, à Tunis, fin 2012, afin de dresser un état des lieux des forces intellectuelles et politiques en présence.

Tous ceux qu’inquiète le risque de basculement des « printemps arabes » dans un hiver de violences intégristes devraient rester attentifs à ce qui se passe en Tunisie. Presque chaque jour, on y assiste à des retours en arrière, mais aussi à de petits pas en avant. La situation y reste complexe, l’effervescence politique et sociale est toujours là, et il faut compter avec une opinion très active.

Cet automne, l’inquiétude était à son comble lorsque des islamistes, sous prétexte de protester contre un film imbécile, attaquaient l’ambassade américaine et brûlaient son école. Quelques mois plus tôt, ils s’en étaient pris à la chaîne de télévision Nessma après diffusion du film Persepolis dans lequel Dieu était représenté. Puis ils avaient vandalisé des œuvres d’art contemporain à La Marsa, banlieue chic de Tunis, battu des journalistes, semé la terreur dans les rues. L’inquiétude persiste, évidemment, puisque à Tataouine, le 18 octobre dernier, un militant d’un parti d’opposition a été tué par les salafistes lors de la manifestation à laquelle il participait. Mais le plus troublant reste le double jeu du parti islamiste au pouvoir Ennahda et de son chef Rached Ghannouchi, conciliant ou « compréhensif » avec les salafistes auxquels il demande seulement de « patienter », quitte à courir le risque d’être débordé par eux [lire Philosophie magazine n° 60, p. 28]. Relayée par certains juges, cette politique pour le moins complaisante a abouti à faire condamner à sept ans et demi de prison le jeune Ghazi el-Béji, auteur athée du roman L’Illusion de l’islam, pour blasphème, ou à faire convoquer par un tribunal une femme violée par des policiers sous prétexte d’« atteinte à la pudeur » !

Et pourtant… Si l’on en croit les résultats d’un sondage effectué pour le quotidien tunisien Le Temps entre le 8 et le 14 octobre 2012, l’opinion tunisienne serait en pleine mutation. Déception, colère, mais sans doute aussi début d’un rejet de ces « barbus » qui, après avoir été médiatisés par des actions d’éclat, font soudain profil bas. Selon ce sondage, L’Appel de la Tunisie, le parti dirigé par Béji Caïd Essebsi, de centre gauche et libéral en matière religieuse, passerait pour la première fois devant Ennahda, mais surtout 54 % des Tunisiens déplorent que le gouvernement actuel tente de dénaturer leur mode de vie. Enfin, 67 % se disent satisfaits des médias dans lesquels, justement, on peut trouver des prises de positions variées. N’oublions pas l’énorme manifestation du 14 août 2012 pour la défense du droit des femmes, alors qu’un projet d’article constitutionnel envisageait de parler de « complémentarité » homme/femme et non d’égalité.

Tous les esprits chagrins, qui se demandent parfois si, finalement, il ne valait pas mieux une bonne dictature (qui torture les opposants religieux) plutôt que des régimes « postrévolutionnaires » qui aspirent à prendre la charia comme norme juridique et politique, feraient bien de suivre les débats désordonnés qui ont lieu chaque jour, dans la presse tunisienne comme dans les rues, mais surtout d’écouter quelques intellectuels, juristes ou politologues tunisiens qui apportent au débat de précieux éléments, que ce soit en considérant l’Islam depuis ses origines et dans la longue durée, en resituant les péripéties actuelles dans un champ politique plus vaste ou à partir des grands exemples historiques de la gestation des démocraties.

L’un de ces penseurs est Hamadi Redissi. Professeur à la faculté de droit et de sciences politiques de Tunis, viscéralement laïc, la soixantaine élégante, il est l’auteur d’ouvrages et de nombreuses études sur les origines de l’islam ou sur les déchirures de l’Islam contemporain. Né à La Marsa, fin connaisseur de la culture musulmane, commentateur des philosophes grecs comme des maîtres modernes de la pensée politique (Habermas), influencé par Foucault et Derrida, il s’est imprégné très tôt de l’esprit des Lumières, et son discours laïc est d’abord kantien. Aussi à l’aise face aux étudiants de Yale ou à ceux des universités de Bologne ou de Beyrouth où il a enseigné, il ne cesse d’établir des passerelles entre les idées occidentales et l’esprit du monde arabo-musulman. Cette transversalité voulue ne débouche pas sur des comparaisons stériles mais sur des problématiques actives, qui, sans ce type de personnalité intellectuelle, resteraient occultées. Ainsi, Redissi pointe-t-il sans relâche ce qu’il nomme l’« exception islamique », cette difficulté qu’a la culture musulmane à se doter d’outils critiques rationnels et à poser clairement pour elle-même la question de la modernité. De même, Redissi tente-t-il d’analyser les raisons profondes de la difficile compatibilité de l’Islam avec les valeurs démocratiques. Sous le régime Ben Ali, il a enseigné sans concessions mais sans être un opposant frontal au régime – voyages, conférences ou publications lui permettant de diffuser sa pensée. Dès les premiers jours de la révolution, son enthousiasme pour la jeunesse, « dynamo du mouvement », l’a amené à s’engager pleinement. Sa déception – relative – d’aujourd’hui ne s’accompagne pourtant d’aucun renoncement.

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Article issu du magazine n°65 novembre 2012 Lire en ligne
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