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Harmut Rosa en 2019.

© Guillaume Chauvin pour Philosophie magazine

Hartmut Rosa : “Je parle au monde et il me répond”

Hartmut Rosa, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 23 septembre 2018 16 min

Qu’est-ce que la vie bonne ? Après avoir dressé un diagnostic magistral de la frénésie des sociétés contemporaines, le penseur allemand Hartmut Rosa croise avec brio sociologie et philosophie pour nous engager à cultiver les expériences de « résonance » – par lesquelles notre relation au monde est revivifiée. Nous avons décidé de consacrer notre dossier de couverture à sa proposition, un remède possible aux maux de notre siècle.

C’est à Titisee-Neustadt, petite localité touristique de la Forêt-Noire, que nous avons retrouvé Hartmut Rosa pour cet entretien. Il s’est tenu dans la cafétéria attenante à la gare, qui n’est d’ailleurs plus desservie. Durant deux heures, le sociologue allemand, déjà reconnu dans le monde entier pour son essai Accélération (2005), nous a présenté son nouveau concept : la résonance. Cette proposition théorique, déployée dans un livre ambitieux de plus de 500 pages qui vient de paraître en France, entend relever un défi. Hartmut Rosa est actuellement l’héritier le plus important de l’École de Francfort, représentée dans le passé par Theodor Adorno, Walter Benjamin, Herbert Marcuse ou encore Axel Honneth. Inspirés par une lecture très libre de Karl Marx, ces auteurs se sont livrés à une critique de la civilisation capitaliste et de l’aliénation. Mais Hartmut Rosa a, lui, pris le risque rare de passer de la critique à la proposition. Avec Résonance. Une sociologie de la relation au monde (La Découverte), il expose sa conception de l’existence vraiment digne d’être vécue. Qu’est-ce que la vie bonne, aujourd’hui ? Elle n’est pas à chercher, selon Rosa, dans le yoga, la méditation, l’alimentation bio ni la randonnée. Encore moins sur une île grecque ou dans une cabane au fond des bois. Alors, que faire ? Il nous incite à emprunter les voies de la résonance, une notion plus politique qu’il n’y paraît de prime abord.

 

Pourquoi pensez-vous que la modernité est née avec les romans de chevalerie ?

Hartmut Rosa : Avec le cycle de la Table ronde, le mot « aventure » change de sens. Il est dérivé du latin adventura, « ce qui doit arriver », lui-même issu du verbe advenire. Ce qui advient, aux yeux des Grecs ou des Latins, c’est le destin. Vivre une aventure est donc passif, il s’agit de subir une fatalité, d’accueillir les événements que le cours du monde nous impose. Mais dans les romans de chevalerie, l’aventure devient active : le héros erre, renverse des obstacles, découvre l’amour, il a une destinée individuelle.

 

Les chevaliers seraient les premiers existentialistes.

Exactement, ils sont en quête, le sens de leur existence ne leur est pas donné par avance.

 

Nous sommes des chevaliers mais aussi des romantiques allemands, selon vous.

Attention ! Il est vrai que je cite beaucoup les poètes romantiques dans mon livre. Heine, Eichendorff, Novalis… Mais je ne voudrais pas passer pour un nostalgique. Ce n’est pas non plus de la coquetterie littéraire. Les romantiques m’intéressent en tant que sociologue. N’oubliez pas le sous-titre de mon livre sur la résonance : Une sociologie de la relation au monde. Les romantiques ont inventé de nouvelles relations au monde. En amour : si vous êtes romantique, vous ne vous accommodez pas d’un mariage justifié par la tradition ou par des considérations économiques, vous exigez que le couple soit le lieu d’une communication des âmes. Avant les Allemands, Rousseau est peut-être celui qui a formulé le plus clairement cette exigence dans La Nouvelle Héloïse. Les romantiques ont inventé cette façon d’aimer qui s’est traduite dans des formes sociales.

 

Ils ont aussi inventé un nouveau rapport à la nature.

Pour eux, la nature nous communique des sentiments. Le paysage épanche son caractère mélancolique ou sublime en nous. De même pour l’art : l’œuvre romantique doit vous toucher, s’adresser à votre sensibilité, pas seulement à votre intellect. En cela, les Modernes sont à la fois des chevaliers – c’est leur pôle actif, ils tiennent en main leur destinée – et des romantiques – c’est leur pôle passif, ils veulent que leur âme soit ouverte sur le monde.

 

Vous qualifiez notre époque de « modernité tardive ». Pourquoi « tardive » ?

Parce que nous sommes vieux ! Le propre des sociétés modernes, par opposition aux sociétés traditionnelles, est de ne trouver leur équilibre que dynamiquement, par la croissance, l’accélération ou l’innovation. Lors de la première modernité, puis de ce que j’appellerais la modernité classique au XIXe siècle, cette tension vers l’avenir allait de pair avec la croyance au progrès. Les Modernes ont longtemps cru que la société et la politique allaient vers le meilleur – que leurs enfants vivraient mieux qu’eux-mêmes. À mon sens, nous sommes toujours dans la modernité, au sens où nous avons toujours besoin de l’accélération, notre équilibre est dynamique. Mais nous ne croyons plus au progrès. Nous accélérons, mais seulement pour ne pas tomber. Regardez votre président Macron : il veut faire tourner à plein régime les moteurs de la croissance économique, et, s’il échoue, la crainte serait que la France s’effondre. La croissance n’est pas un idéal mais un impératif de plus en plus pénible.

 

Nous sommes entrés dans la modernité tardive il y a environ trente ans ?

Même si c’est un peu arbitraire, 1989 est probablement la date à retenir. Cette année-là est marquée par la chute du mur de Berlin et l’invention du Web, début de la digitalisation du monde. Les effets de la dérégulation des marchés financiers se font sentir à peu près au même moment.

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