Il était une mauvaise foi

Victorine de Oliveira publié le 2 min

Quarante ans ont beau avoir passé depuis sa mort, le 15 avril 1980, Sartre divise toujours autant.

Après avoir suscité des moqueries dans les années 1950, son œuvre a fini par intégrer l’Université – rien qu’en France, il a fait l’objet de plus d’une centaine de thèses. Mais ses engagements politiques pléthoriques posent encore question. Comment comprendre qu’il s’extasie devant les prisons chinoises en 1955 ? « Pas de gardiens, pas de costume spécial pour les détenus ; ils vont et viennent librement », écrit-il à Michelle Vian. Comment justifier ses multiples voyages en URSS, même après 1956, année où les chars de Khrouchtchev envahissent et répriment les révoltes en Hongrie ? Interrogé par Simone de Beauvoir dans La Cérémonie des adieux (1981) sur ses tentatives répétées de « travailler avec les communistes », Sartre refuse de s’amender et de parler d’échec personnel. On peut y voir une forme de déni. On peut aussi revenir au cœur de l’existentialisme qui inscrit l’essence de l’être humain, et de chaque individu, dans le mouvement, la continuité de ses actes. La sanction ne tombe qu’avec la mort. Commode ? Bien que l’urgence de la situation remplace chez Sartre toute tentative de définir un ensemble immuable de valeurs morales, il ne s’agit pas pour lui de prêcher le relativisme. Plutôt de souligner que, pris dans les événements et l’histoire, nous ne pouvons pas nous affranchir de leur interpellation. Leur mouvement perpétuel est aussi celui de la pensée, qui ne peut jamais s’arrêter, une bonne fois pour toutes, ses jugements. Aussi Sartre se remet-il régulièrement en question et se plie-t-il à l’exercice de l’entretien, donc de la contradiction. Ce qui n’empêche pas une certaine dose de mauvaise foi.

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