Sartre à Billancourt
À l’automne 1970, Jean-Paul Sartre, juché sur un baril, fait un discours à la sortie des usines Renault à Billancourt. Haut lieu de la grande grève de Mai-68, c’est l’endroit rêvé pour manifester en paroles l’union entre la classe ouvrière et les intellectuels. Mais il faut être deux pour se marier.
Le 21 octobre 1970, Jean-Paul Sartre se rend à l’usine Renault de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), place Bir-Hakeim. Le lieu est symbolique : Renault, plus que toute entreprise, c’est la France des cols bleus, et puis l’usine automobile a abrité la grande grève de Mai-68 avec une occupation de trente-trois jours et trente-quatre nuits. Si Sartre se rend en banlieue parisienne ce jour-là, c’est pour défier sa convocation par la justice au procès d’Alain Geismar, l’un des chefs de la Gauche prolétarienne (GP), mouvement d’inspiration maoïste né deux ans auparavant. Le mouvement, mis hors la loi par Raymond Marcellin, alors ministre de l’Intérieur, avait demandé à Jean-Paul Sartre de devenir le directeur de leur journal, La Cause du Peuple. Tout en se démarquant des actions menées par la GP, Sartre avait accepté. C’est donc en tant que directeur de La Cause du Peuple qu’il se présente devant la porte Émile-Zola, celle qu’empruntent les OS immigrés. Le jeune François Armanet, témoin de la venue du philosophe, raconte qu’une foule de 200 personnes est présente. Quelques ouvriers égarés, dit-il, et beaucoup de figurants. Et des journalistes bien sûr. Tel un Diogène juché sur un baril de fioul, canadienne sur le dos et mégaphone au poing, Sartre harangue la petite assemblée. Avant de dénoncer la répression policière, il commence par justifier sa présence à l’usine par sa vision de l’intellectuel engagé : « Il faut que [le peuple et les intellectuels] ne fassent qu’un. Non pas pour que les intellectuels donnent des conseils au peuple, mais, au contraire, pour que ces masses prennent une forme neuve. » Le ton est professoral, pas très exaltant et manque d’empathie. Ses conseils ont l’allure de sermons : « C’est à vous de dire si l’action est bonne ou non ! » Mais, au fond, son discours a peu d’importance, ce qui compte, c’est qu’on l’ait vu là, devant un symbole du monde ouvrier. « Le medium, prédisait Marshall McLuhan quelques années auparavant, c’est le message. » Et ce message s’adresse peut-être moins aux ouvriers qu’au monde intellectuel qui, de plus en plus, se montre hostile à Sartre. —
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