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Philippe-Joseph Salazar.  ©Olivier Roller/Divergences

Entretien

Philippe-Joseph Salazar : “La politique, dans nos démocraties, se réduit beaucoup à des prestations de parole sans enjeu rhétorique réel”

Philippe-Joseph Salazar, propos recueillis par Octave Larmagnac-Matheron publié le 30 novembre 2021 13 min

Pour le philosophe Philippe-Joseph Salazar, il convient de distinguer rhétorique, éloquence et art oratoire. Mais aussi communication et rhétorique. Exercice politique propre à la démocratie, la rhétorique est menacée de dépérir, à confondre argumentation et sollicitation d’émotions éphémères. S’agit-il de persuader ou d’impressionner ?

 

Rhétorique, éloquence, art oratoire… quelle différence faites-vous entre ces termes ? 

J’ai tendance à réserver « art oratoire » pour toute forme de prestation éloquente qui implique une croyance religieuse – le sermon, par exemple – ou idéologique tellement forte qu’il est impossible pour l’auditoire-cible de n’être pas d’accord. L’auditoire est captif ou acquis à des croyances assénées comme des vérités qui ne font pas l’objet de débat. C’est étranger à l’art et à la rhétorique qui consiste à argumenter sur des termes souvent mal définis, des concepts vagues, des opinions transitoires, qui n’ont aucune valeur de vérité en dehors du groupe concerné. Le rhéteur doit en effet s’adapter au public auquel il s’adresse pour se brancher sur ce que ce public-là, devant lui, croit être telle ou telle vérité. Par « rhéteur », j’entends celui qui conçoit un discours, par opposition à « orateur », qui en donne la performance. Bref, un bon rhéteur ou orateur devrait être capable, le lendemain, de fabriquer ou de tenir un discours aussi persuasif mais différent devant un auditoire aux opinions autres. Dans certaines grandes écoles, les élèves s’entraînent à des prestations dites d’éloquence. L’effet est souvent réussi… mais le discours est prononcé devant un public acquis et conquis d’avance du fait même du rituel scolaire. Ils sont éloquents, ils « parlent bien », plus ou moins, mais c’est une mise en scène. Devant une foule en colère, les choses sont bien autres. Il existe donc deux prestations différentes de parole éloquente : une prestation devant un public homogène, conquis – ou acquis – d’avance, et nous sommes plus dans l’art oratoire ; ou une prestation de persuasion en direction d’un public hétérogène qui peut très bien se dire qu’on lui raconte n’importe quoi, et là nous sommes véritablement en rhétorique. 

 

Les discours devant un public qui n’est pas acquis d’avance sont relativement rares, au fond ?

Aujourd’hui, peu de performances de parole se tiennent devant des publics hétérogènes, là, devant vous, en « présentiel ». Les grands discours politiques sont des rituels devant des publics acquis idéologiquement ou conquis émotionnellement. Alors, que faut-il faire rhétoriquement ? Conforter ce public ! Vous vous contenterez de lui plaire et de l’émouvoir en répétant deux ou trois clichés clés. Pour les idées, les informations, ils liront les programmes. Dans nos démocraties, la politique se réduit beaucoup à cela : de la ventriloquie à tête creuse, des prestations de parole sans enjeu rhétorique réel. Éloquentes parfois, oratoires souvent, rhétoriques rarement.

“La plupart des discours politiques ne relèvent pas de performances rhétoriques mais, au mieux, de prestations oratoires, et au pis de prestations de communication qui sont, à bien les considérer, des paroles autoritaires et sans appel”
Philippe-Joseph Salazar

 

La parole publique manque d’enjeu aujourd’hui ?

Oui, mais qu’est-ce qu’un acte de parole, rhétorique donc, qui répond à un enjeu ? C’est une prestation en « situation rhétorique ». Or la situation rhétorique répond à une exigence, une demande forte : le public, ou plutôt ce public précis, là, maintenant, veut voir émerger une solution à un problème connu mais source de troubles. Il veut donc entendre qu’une transformation peut avoir lieu qui rétablisse ses certitudes. C’est là la différence radicale, mais mal comprise, entre communication et rhétorique. La communication se contente de faire passer une information de la manière la plus agréable possible – en mettant gentiment les gens au pied du mur en leur faisant de la « pédagogie » au nom de la «  bienveillance ». Il n’y a pas d’enjeu, de ce point de vue. La communication n’est donc pas persuasive, elle ne cherche pas à proposer, dans le moment de la prise de parole, une nouvelle solution. Elle impose un message. La plupart des discours politiques ne relèvent pas, de ce point de vue, de performances rhétoriques mais, au mieux, de prestations oratoires, et au pis de prestations de communication qui sont, à bien les considérer, des paroles autoritaires et sans appel. Seules les crises profondes suscitent des enjeux rhétoriques.

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Article issu du Hors-série n°N° 51 novembre 2021 Lire en ligne
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