Jankélévitch. L’Œuvre

Martin Duru publié le 2 min

Avec le Traité des vertus, où il soutient que l’action morale véritable est celle qui surmonte l’égoïsme, mue par une intention pure et l’amour d’autrui, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien est l’un des ouvrages les plus fameux de Jankélévitch. Publié initialement en 1957, il sera ensuite remanié par l’auteur et republié en trois volumes, respectivement intitulés La Manière et l’Occasion, La Méconnaissance et le Malentendu et La Volonté de vouloir. Dès l’ouverture du premier volet, Jankélévitch aborde la notion au cœur de son enquête – le « je-ne-sais-quoi », expression qu’il reprend du mystique Jean de la Croix et que l’on trouve également chez le penseur jésuite Baltasar Gracián ou chez Pascal. Tentant de cerner les contours du réel et de l’expérience subjective, Jankélévitch, qui s’est défini comme un « philosophe de la vie », indique que quelque chose échappe toujours au pouvoir de la connaissance ; le je-ne-sais-quoi est précisément ce « résidu », cet élément insaisissable et ineffable – défi lancé à la pensée systématique qui prétend capter et comprendre la totalité de ce qui est. Pourtant, même fuyant, le je-ne-sais-quoi n’est pas rien ; il a le statut paradoxal d’un « presque-rien » dont il s’agit de décrire l’apparition et la résonance, la « divine inconsistance »… Pour déployer sa métaphysique – qui ne part donc pas des choses stables, substantielles, mais du côté évanescent du réel –, Jankélévitch va se tourner vers le phénomène du temps (le premier volume du Je-ne-sais-quoi et [du] Presque-rien est organisé en deux grands chapitres : « Le charme du Temps » et « Le charme de l’Instant et de l’Occasion »). Pourquoi ? Parce que le temps n’est jamais figé ou répétitif, parce qu’il ne cesse de faire apparaître les êtres et les choses sous un jour nouveau. En définitive, le temps s’identifie au je-ne-sais-quoi, qui enveloppe le monde d’un mystère et d’une saveur toujours inédite – c’est ce qui fait son charme…

Expresso : les parcours interactifs
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