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Un ouvrier découvre une momie appartenant à la culture pré-inca Ychsma, coiffée d’une abondante chevelure. © Cris Bouroncle/AFP

Archéologie

La momie chevelue

Octave Larmagnac-Matheron publié le 20 novembre 2023 3 min

Une équipe d’archéologues a exhumé une bien étrange momie à Lima, la capitale du Pérou : une dépouille presque entièrement décomposée, coiffée pourtant d’une abondante chevelure. Pourquoi cette image nous trouble-t-elle ?

 

  • C’est une drôle de découverte qu’ont fait les archéologues travaillant sur le site de Huaca Pucllana, au cœur de Lima : une momie vieille de 1000 ans presque entièrement réduite à l’état de squelette, si ce n’est l’imposante chevelure qui la coiffe. La vue de ses tresses remarquablement bien conservées est déroutante. Alors que les os, d’ordinaire cachés dans les profondeurs de la chair, évoquent les pouvoirs dissolvants de la mort lorsqu’ils sont exposés au grand jour, la chevelure, qui aurait dû disparaître dans l’usure du temps, marque une résistance au passage. Elle paraît retenir la trace d’un visage animé.
  • Le cheveu « en lui-même », composé de kératine, a tout l’air d’une matière inerte, morte. Mais il évoque, dans sa synthèse permanente, une insistance de la vie. Les cheveux sont en effet le signe d’une sorte de vitalité primitive, de vigueur, de « prolifération démesurée » selon l’expression utilisée par Michael Marder dans La Pensée végétale. « Tout comme les plantes, les animaux et les humains sont des “choses qui poussent” », des choses qui vivent tant qu’elles poussent. La disparition des cheveux, qui s’accentue avec la sénescence, est associée par contraste à l’entrée dans la vieillesse, à la proximité de la mort.
  • La momie péruvienne, elle, n’a pas perdu ses cheveux. Sa coiffure indique une existence qui, loin d’avoir épuisé ses potentialités par un étiolement naturel, a été interrompue brutalement – sans doute par un sacrifice. De quoi renforcer le sentiment troublant ressenti devant ce visage évanoui. Quelque chose, peut-être, de cette « émotion étrange » qu’éprouve le narrateur de Guy de Maupassant dans La Chevelure (1884).
  • Celui-ci découvre un jour, dans le tiroir secret d’une commode, une chevelure – « une énorme natte de cheveux blonds, presque roux, qui avaient dû être coupés contre la peau, et liés par une corde d’or ». Immédiatement, la force évocatrice du cheveu s’empare de lui : « Qu’était-ce que cela ? Quand ? comment ? pourquoi ces cheveux avaient-ils été enfermés dans ce meuble ? Quelle aventure, quel drame cachait ce souvenir ? Qui les avait coupés ? un amant, un jour d’adieu ? un mari, un jour de vengeance ? ou bien celle qui les avait portés sur son front, un jour de désespoir ? Était-ce à l’heure d’entrer au cloître qu’on avait jeté là cette fortune d’amour, comme un gage laissé au monde des vivants ? Était-ce à l’heure de la clouer dans la tombe, la jeune et belle morte, que celui qui l’adorait avait gardé la parure de sa tête, la seule chose qu’il pût conserver d’elle, la seule partie vivante de sa chair qui ne dût point pourrir, la seule qu’il pouvait aimer encore et caresser, et baiser dans ses rages de douleur ? » Les questions se bousculent. Une chose est certaine : la chevelure garde en elle quelque chose de l’existence dont elle a été séparée mais vers laquelle elle fait irrémédiablement signe.
  • « N’était-ce point étrange que cette chevelure fût demeurée ainsi, alors qu’il ne restait plus une parcelle du corps dont elle était née ? », s’interroge le narrateur. Plus durable que les chairs, la chevelure persiste là même où la vie s’en est allée, comme la hantise insistante d’une présence qui refuse de passer. « Il me sembla qu’elle m’agitait, comme si quelque chose de l’âme fût resté caché dedans. » Au moment même où il se « sentai[t] attendri comme [s’il] allai[t] pleurer », le narrateur est frappé par un sentiment fantomatique. Un peu comme nous face à la momie chevelue péruvienne ?
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