La politesse est-elle une vertu ?
On n’en finit plus de dénoncer les incivilités, signes dont la fréquence témoignerait d’une « décivilisation ». Mais la politesse est-elle un gage de bonne citoyenneté ? Entre les excès de la muflerie des « mal éduqués » et le dédain de ceux qui maîtrisent les codes de bienséance, quelle valeur accorder à la politesse aujourd’hui ?
L’effacement progressif de la politesse ?
Dans l’article « Politesse » de l’Encyclopédie (1751), Diderot distingue la civilité, que tout le monde peut apprendre, de la politesse. Celle-ci suppose « une disposition naturelle, qui à la vérité, a besoin d’être perfectionnée par l’instruction et par l’usage du monde ». La politesse serait-elle donc réservée à une élite ? Mais le même Diderot parle ailleurs de « la politesse insultante des grands », montrant par là que la politesse peut se transformer en mépris de classe. Quoi de plus blessant en effet que les précautions de langage adressées à celui qu’on accueille avec condescendance, ou qu’on congédie ? On objectera que la politesse obséquieuse des « petits » pour flatter les « grands » dans le but de se prémunir de leur caprice ou d’obtenir d’eux, par flatterie, un privilège, n’est pas plus louable. Tel est le paradoxe de la politesse : parce qu’elle ne serait motivée que par le dédain ou la peur, la bienséance, loin de rapprocher les hommes, les éloignerait les uns des autres [voir à ce sujet l’hypothèse de la cordialité, « opposé » de la politesse et caractéristique du peuple brésilien, selon le sociologue Sérgio Buarque de Holanda]. Et ce serait pour mettre un terme à ces faux-semblants propres à une société traditionnelle et hiérarchisée que le siècle des Lumières aurait finalement débouché sur l’adoption d’un langage plus franc et égalitaire. On le sait : c’est avec la Révolution que tous les hommes adultes qui composent le peuple français obtiennent le titre de « Monsieur » (contraction de « mon seigneur »), et les femmes, celui de « Madame » ; c’est là aussi que le serrement de main remplace la révérence.
Faites-vous primer le désir comme Spinoza, la joie à l'instar de Platon, la liberté sur les pas de Beauvoir, ou la lucidité à l'image de Schopenhauer ? Cet Expresso vous permettra de le déterminer !
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En partenariat avec les Presses universitaires de France, Philosophie magazine propose chaque jour une entrée du «Dictionnaire philosophique» d'André Comte-Sponville. Aujourd'hui: « Politesse ».
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