Laurent Barry : « La prohibition de l’inceste existe partout, mais… »

Laurent Barry, propos recueillis par Patrice Bollon publié le 3 min

C’est l’un des mythes fondateurs de l’anthropologie : selon Claude Lévi-Strauss, l’inceste est l’interdit par excellence grâce auquel la circulation des femmes et des enfants est rendue possible… Soixante ans après Les Structures élémentaires de la parenté, l’anthropologue Laurent Barry fait le point sur cette question très débattue.

On tient la prohibition de l’inceste pour une règle universelle. Qu’en est-il exactement ?
Il faut s’entendre sur le sens de l’expression « prohibition de l’inceste ». Contrairement à la définition récemment proposée par le législateur en France ou à certains usages médiatiques, l’inceste conçu par les anthropologues n’a rien à voir avec la pédophilie. Cette prohibition introduit des interdits sexuels, puis matrimoniaux, qui concernent, selon les cultures, un père et sa fille, un frère et sa sœur, mais aussi des cousins, des cousines, voire des apparentés plus éloignés. C’est la parenté qui rend impossible la relation sexuelle, non le fait que l’un est mineur et l’autre majeur. Entendue ainsi, cette prohibition existe partout, mais emprunte des configurations diverses.

On évoque pourtant les contre-exemples historiques égyptien, grec ou iranien…
Aucun de ces exemples, sauf peut-être le dernier, ne remet en question le principe d’universalité de la prohibition de l’inceste, car si certaines relations étaient permises, d’autres restaient impossibles. Dans l’Égypte ptolémaïque ou sous l’occupation romaine, un roi ou un paysan pouvait épouser sa sœur, mais pas sa mère ni sa fille. À Athènes, à l’époque classique, on pouvait épouser sa demi-sœur de même père mais pas celle de même mère. Ce qui est pour nous incestueux ne l’est donc pas toujours ni partout… Dans le cas de l’Iran sassanide ancien et des mariages dits xwetodas qui recommandaient les unions entre frères et sœurs, voire entre pères et filles ou mères et fils, ces alliances semblent avoir été liées à une perspective eschatologique. Il s’agissait, pour les zoroastriens, de répéter l’inceste primordial du dieu Ahura Mazda avec sa fille, Armaiti. Il est probable que ces mariages étaient réservés à la classe des prêtres. 

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