Repérages

Le décryptage/Quand on aime, on compte

Octave Larmagnac-Matheron publié le 2 min

Les Français sont nuls en maths : au lendemain de la publication, en novembre dernier, des résultats de la dernière enquête internationale Timss sur l’acquisition des compétences en mathématiques et en science, la presse titrait à l’unisson. Indéniablement, le niveau hexagonal en la matière a de quoi préoccuper. Avec un score de 485 points, les CM1 sont très en dessous des moyennes internationale (529) et européenne (527), en avant-dernière position parmi les pays de l’OCDE, devant le Chili (441 points). En classe de 4e, le score moyen a chuté de 47 points par rapport à 1995, si bien que leur niveau d’aujourd’hui correspond, grosso modo, au niveau d’un élève de 5e de la fin des années 1990. Ce qui inquiète en particulier, c’est la proportion d’élèves n’atteignant même pas le « niveau bas » : en CM1, ils sont 15 % contre 6 % en moyenne en Europe. Les très bons élèves atteignant le « niveau avancé » sont, eux, de moins en moins nombreux : 3 % seulement. 

Pourquoi cette baisse de niveau choque-t-elle ? C’est d’abord, comme l’écrit le philosophe Alain Badiou dans Éloge des mathématiques (Flammarion, 2015), que les maths sont, de toutes les disciplines, la plus égalitaire : « La qualité sociale de celui qui parle, qu’il soit Prêtre, Roi, Prophète ou mendiant, ou même Dieu », n’entre en principe pas en ligne de compte. Seule vaut la démonstration. Pour cette raison, les mathématiques ont longtemps été « utilisées comme une méthode de sélection des élites » méritocratiques. 

Alors, comment expliquer cette désaffection ? C’est que, remarque Badiou, à force de faire des maths un principe républicain de distinction, nous les avons réduites à n’être qu’un moyen en vue d’une fin – progresser dans la hiérarchie sociale. Un objectif stimulant, sans doute, mais qui ne permet pas de compenser la difficulté inhérente à la discipline, à son langage hermétique et à ses raisonnements abstraits. Si nous voulons redresser le niveau des Français, il est indispensable de réapprendre à enseigner « l’amour » des mathématiques « pour elles-mêmes », indépendamment de leur utilité sociale.

En mathématiques, les classes de niveau CM1 obtiennent un score de…
529 points en moyenne dans le monde
527 points en moyenne en Europe
485 points en France
En tête du classement
Singapour 625 points
Hongkong 602 points
Corée du Sud 600 points
En CM1, taux d’élèves en dessous du « niveau bas »
15 % en France
6 % en moyenne en Europe
Et taux d’élèves atteignant le « niveau avancé »
3 % en France
9 % en moyenne en Europe

Sources : Trends in International Mathematics and Science Study (Timss) 2019, résultats et méthodologie disponible sur https://timss2019.org/reports/achievement/
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