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© Séverine Scaglia pour PM

Lexique

Le vertige de la modernité

Michel Eltchaninoff publié le 25 septembre 2008 9 min

Les thèmes qui traversent l’œuvre de l’écrivain – fascination pour le Christ, violence, maladie, double… – structurent sa vision de l’homme moderne. Pour répondre à la montée du nihilisme, Dostoïevski affirme son émerveillement face au monde.

La liberté

La liberté est le grand problème des personnages de Dostoïevski. L’écrivain réfute d’abord les théories visant à l’évacuer, comme celle qui explique que le crime n’est que le produit du milieu social. Puis il décrit l’homme moderne débarrassé du poids des traditions, libre de préférer la laideur à la beauté ou l’absurde à la logique, comme le narrateur du Sous-sol. Celui-ci peut expérimenter sa liberté de manière extrême, en tuant pour « oser » comme Raskolnikov dans Crime et Châtiment. Cette liberté sans frein ni principe est à la fois la bénédiction et la malédiction de notre époque. Elle rend la société – gangrénée, dans les romans de Dostoïevski, par le terrorisme, la mercantilisation généralisée, l’individualisme forcené – chaotique. La tentation est grande, alors, de supprimer la liberté, pour le bien-être général. Cette hypothèse est explorée dans le long chapitre des Frères Karamazov intitulé la « Légende du grand Inquisiteur ». Ivan, qui s’interroge sur le scandale du mal dans le monde, a composé une sorte de poème en prose mettant en scène le Christ, revenu à Séville en pleine Renaissance et jeté dans un cachot par l’Inquisiteur. Le retour du Christ menace en effet un ordre social et spirituel que le clergé a mis des siècles à instaurer en débarrassant l’homme de sa liberté. L’Inquisiteur explique que l’homme dénué de liberté est plus heureux que l’homme libre, que la liberté spirituelle offerte aux hommes par le Christ entraîne leur désarroi. En refusant les moyens offerts par le démon dans l’épisode évangélique des tentations au désert – transformer les pierres en pain, subjuguer l’humanité grâce au miracle et utiliser le « glaive de César » pour imposer son autorité –, le Christ repousse tout ce qui viendrait limiter la liberté humaine de croire ou de ne pas croire. Au contraire, le grand Inquisiteur utilise ces outils démoniaques. Comme le Christ, qui reste silencieux avant d’être libéré par son geôlier, Dostoïevski ne propose pas de réponse. Il dévoile seulement toute l’horreur d’une humanité qui se déchargerait du poids de la responsabilité. La liberté porte en elle des risques de troubles, de violence et de désespoir, mais elle est ce qui nous rend digne de notre humanité. Le frère d’Ivan, Aliocha, incarne ce difficile chemin vers une liberté respectueuse d’autrui.

 

La maladie

Épilepsie, démence sénile, hystérie, psychopathie, troubles sexuels et langagiers, phtisie, délabrements digestifs… La maladie joue chez Dostoïevski un rôle aussi majeur que chez Nietzsche et Freud. Le romancier l’a hissée au rang de catégorie philosophique. Avec ses portraits physiques très sommaires, Dostoïevski ne donne pas ses personnages à voir. En revanche, loin de céder à un spiritualisme éthéré, il exprime leur vie organique grâce à des dynamiques parfois peu visibles, mais très puissantes. La maladie, tout comme la violence et la parole, en fait partie. La perception du monde qui est celle de l’homme du sous-sol est délibérément pathologique. La douleur exacerbe les passions mauvaises (apitoiement sur soi, oubli des autres, plaisir pervers de souffrir) et déforme la perception du monde mais elle nous fait accéder à une nouvelle vision des choses. La maladie joue en quelque sorte le rôle de passeur entre un monde prétendument sain et harmonieux, où les questions morales sont de purs calculs rationnels, où la beauté obéit à des recettes simples, et un univers beaucoup plus inquiétant, mais finalement plus authentique et humain. Le prince Mychkine, épileptique, mentalement dérangé et impuissant, tout juste sorti d’une clinique suisse, détient ainsi une vérité que ne reconnaissent pas les « gens normaux » qui s’adonnent sans gêne au commerce des femmes et à l’idolâtrie de l’argent. À son contact, les intentions dissimulées vont se révéler : Nastassia Fillipovna commence à espérer, Aglaé découvre la valeur de la bonté, Rogogine rencontre enfin quelqu’un qu’il ne peut acheter… Reste que la maladie affaiblit l’organisme et entrave la force vitale. Mychkine, le héros de L’Idiot échoue par ce qui avait fait son succès : il ne « sauve » finalement personne et repart en clinique, cette fois définitivement. Il faudra attendre la création de personnages débordants de santé, comme Arkadi, héros de L’Adolescent, ou Aliocha Karamazov, pour espérer découvrir des personnages positifs er débarrassés de la puissance autodestructrice de la maladie.

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