Les tribulations d’un musulman existentialiste
Abdennour Bidar naît dans une famille singulière : un grand-père communiste, athée convaincu, une mère auvergnate convertie à l’islam, faisant de lui un musulman en pays chrétien. Plus tard, il étudie la philosophie à l’ENS et entre dans une confrérie soufie. Voici aujourd’hui son plaidoyer pour une alliance de la libre pensée et de la vie mystique.
Je suis un de ces enfants improbables que la raison et la foi essaient parfois d’avoir ensemble quand, tels Roméo et Juliette, leurs deux familles respectives relâchent leur surveillance… Deux familles, la croyante et la philosophe, l’islamique et la cartésienne, dont je ne sais toujours pas laquelle est ma mère, laquelle est mon père, mais dont les gènes se sont mêlés en moi, pour le pire et le meilleur.
Commençons par le pire. Au moment où je fais mes études de philosophie, dans ces temples laïques que sont, à Paris, le lycée Henri-IV, la Sorbonne et l’École normale supérieure (ENS) de Fontenay/Saint-Cloud (devenue ENS-Lyon), j’entre également dans une confrérie soufie, c’est-à-dire une voie initiatique islamique où se transmet ce que j’appellerais, dans les termes idéalisés qui me faisaient frissonner alors, « l’art et la puissance de devenir saint ». J’ai 19 ans, je suis né d’une famille culturellement singulière (ma mère, médecin érudit, s’est convertie à l’islam), et me voilà donc à cet âge si propice aux exaltations radicales littéralement écartelé entre ces deux écoles de l’esprit : la philosophie européenne, spéculative et rationnelle, et la sagesse islamique, « opérative » et mystique. Perplexe, aussi fasciné par le génie des deux, perpétuellement tendu intérieurement par la violence de leurs critiques mutuelles, je vis le conflit de la raison contre la foi non seulement comme dilemme intellectuel mais surtout comme souffrance. Et dissociation : je dévore les écrits de Jan Patocka sur Edmund Husserl, mais c’est avec un enthousiasme égal que je m’astreins chaque soir à trois heures d’exercices spirituels – le khâgneux s’assoit en tailleur, égrenant le chapelet soufi, concentré sur le nom d’Allah, symbole de l’unité de l’être. Hyperactivité logique contre recherche du silence intérieur. D’un côté, la raison qui s’accélère, de l’autre, la même sommée de se taire. Avec, pour chacune des deux activités, l’exercice d’une concentration lourde, pendant des heures puis des années.
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