Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Michael Sandel. © Édouard Caupeil/Pasco&Co

Entretien

Michael J. Sandel : “La tyrannie du mérite est à l’origine de la révolte populiste”

Michael J. Sandel, propos recueillis par Martin Legros publié le 22 septembre 2020 16 min

C’est un diagnostic puissant sur la crise de la démocratie auquel aboutit l’une des grandes figures de la pensée politique américaine, Michael J. Sandel. Il met en effet en cause la méritocratie, qui permet aux gagnants de considérer que leur position est un dû et renvoie aux perdants l’idée qu’ils sont responsables de leur destin. En guise de remède, il invite à une politique du bien commun centrée sur la dignité du travail.

 

Remettre la question du bien commun au centre de la discussion. C’est avec ce projet simple, presque naïf, que le philosophe Michael J. Sandel, qui a enflammé les auditoires avec ses cours sur des expériences de pensée autour de la justice, entend répondre à la crise actuelle des démocraties. Cette ambition l’habite depuis longtemps. Dans l’un de ses premiers livres, Le Libéralisme et les limites de la justice, où il discutait les thèses de John Rawls et de Robert Nozick, il s’opposait déjà à l’idée qu’on puisse définir la justice en se plaçant derrière un « voile d’ignorance » sans référence à nos conceptions du bien et de la vie bonne. Plus tard, dans Justice, best-seller mondial, il développait sa critique de l’utilitarisme et du libéralisme, en montrant sur toute une série de questions concrètes concernant l’extension du marché ou la discrimination positive qu’on ne pouvait pas trancher ces questions en se basant sur le seul principe du respect des libertés individuelles. Il faut par conséquent expliciter et confronter publiquement nos convictions morales les plus profondes… ou retrouver celles de Bentham, Hume et Kant. Aujourd’hui, cette réflexion se leste d’un diagnostic très fort sur le retournement démocratique contemporain. Au cœur du ressentiment mondial des peuples ? La « tyrannie du mérite » selon le titre de son dernier ouvrage qui vient de paraître dans le monde anglo-saxon – et qui paraîtra en 2021 chez Albin Michel. Qu’entend-il par là ? Le fait que la possession d’un diplôme supérieur, devenu le grand diviseur social, permet aux « gagnants » de la mondialisation libérale de considérer qu’ils ont mérité leur chance, alors que les « perdants » et tous ceux dont le mode de vie stagne n’auraient qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Cette idée que l’unique voie pour s’élever est d’accéder à une éducation supérieure a renvoyé à tous ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas faire d’études le sentiment qu’ils ne mériteraient pas l’estime et la reconnaissance de la société. Brexit, élection de Trump, vague populiste en Europe, ces événements attestent, d’après Sandel, d’une « révolte contre la tyrannie du mérite ». Et le philosophe de proposer en guise de remède à ce mal un nouveau contrat civique centré sur la « dignité du travail ». C’est précisément la grande leçon qu’il retient du confinement : la découverte de la contribution de toute une série de métiers sous-évalués et pourtant « essentiels » au bien commun. Il nous en a livré l’argument, depuis Boston, au cours d’une discussion dont il a le secret : simple et décontractée, mais profonde et convaincante.

 

Michael Sandel en 7 dates
1953 Naissance le 5 mars à Minneapolis (Minnesota).
1981 Étudiant boursier à Oxford, il soutient sa thèse sous la direction de Charles Taylor, avant d’intégrer l’université Harvard.
1982 Publication du Libéralisme et les limites de la justice.
2002 Nommé par George W. Bush au Conseil américain de bioéthique, il s’oppose aux projets d’homme augmenté.
2005 « Justice. What’s the Right Thing to Do? », son cours à Harvard, est filmé en douze épisodes
et diffusé sur YouTube. Il totalise plus de 7 millions de vues.
2012 Il intervient à la demande du Britannique Ed Miliband à la conférence annuelle du Parti travailliste et inspire la critique du « capitalisme de prédation » développée par les travaillistes.
Septembre 2020 Publication de The Tyranny of Merit. What’s Become of the Common Good? (Farrar, Straus and Giroux, à paraître en 2021 chez Albin Michel). 

 

Comment avez-vous vécu la crise du Covid ? Et qu’en retenez-vous ?

Michael J. Sandel : J’ai traversé la crise en restant ici, dans ma maison familiale près de Boston. J’y suis resté pendant tout le temps du confinement. J’y ai pris conscience que la possibilité qui m’était donnée de me retirer chez moi en sécurité dépendait de toute une série de travailleurs restés « au front » : éboueurs, caissiers, livreurs, pompiers, personnels soignants, gérants des entrepôts, etc. Ils ont exposé leur vie pour nous permettre de demeurer en sécurité. Ce fait massif révèle le caractère indispensable de métiers pourtant mal rémunérés et qui ne jouissent pas de l’estime sociale qu’ils méritent. J’espère que cette crise nous fera comprendre ce que nous leur devons.

 

Cette crise, avez-vous remarqué, nous oblige à articuler deux principes opposés : se protéger les uns des autres et tabler sur la solidarité. N’est-ce pas le cas aussi à l’échelle internationale où les nations jouent leur propre partition, alors qu’elles devraient coordonner leur action ?

Idéalement, pour maîtriser une épidémie globale, nous aurions besoin de coopération internationale. Or elle a beaucoup de mal à se mettre en place. C’était vrai pour les masques hier, ce sera vrai pour les vaccins demain. Nous sortons pourtant de quatre décennies d’ouverture des nations les unes avec les autres. Alors que la pandémie a mis en évidence notre vulnérabilité partagée, nous y répondons en nous repliant sur les souverainetés nationales. Ce repli sera l’une des conséquences politiques durables de cette crise. À l’avenir, les frontières compteront davantage.

Traduit par Martin Legros
Expresso : les parcours interactifs
En finir avec le mythe romantique
Cendrillon a 20 ans, elle est « la plus jolie des enfants ». Mais pas pour longtemps. Beauvoir déconstruit les mythes romantiques et les contes de fée qui peuplent encore aujourd'hui l'imaginaire collectif.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
7 min
Michael J. Sandel : “La méritocratie ne sera jamais un idéal juste”
Charles Perragin 19 mars 2021

Qu’est-ce qu’une société équitable ? Le bien commun ? Comment valoriser les contributions des citoyens à l’économie ? Comment…

Michael J. Sandel : “La méritocratie ne sera jamais un idéal juste”

Bac philo
2 min
La justice et le droit
Nicolas Tenaillon 01 août 2012

Si, étymologiquement, la justice et le droit sont très proches (jus, juris, qui donne l’adjectif « juridique »), la justice est aussi une catégorie morale et même, chez les anciens, une vertu. Nous pouvons tous être révoltés…


Dialogue
14 min
Michael Sandel-Peter Singer. Comment (bien) faire le bien ?
Martin Legros 29 avril 2021

Ce sont deux des plus grandes voix de l’éthique contemporaine. Michael Sandel, dont les leçons sur la justice ont fait le tour du monde, fonde la…

Michael Sandel-Peter Singer. Comment (bien) faire le bien ?

Article
17 min
Et Rawls inventa le bon partage
Martin Legros 27 mars 2019

Avec sa “Théorie de la justice”, John Rawls a signé l’ouvrage de philosophie le plus discuté au monde, brandi jusque sur la place Tien’anmen par les étudiants chinois en 1989. Nous vous invitons à découvrir le penseur qui a bouleversé…


Article
5 min
Les trois visages 
de la tyrannie
Claude Habib

En un fragment, Pascal envisage trois facettes de la tyrannie. Que celle-ci désigne le désir de domination totale se conçoit aisément. Quand elle nomme la prétention à usurper des qualités hors de son ordre – à se faire aimer…


Article
9 min
Paul Pasquali : “La méritocratie est l’apanage des héritiers”
Charles Perragin 29 septembre 2021

 « L’héritocratie » n’est pas seulement une façon de retracer l’histoire des luttes politiques qui permettent aux classes…

Paul Pasquali : “La méritocratie est l’apanage des héritiers”

Le fil
2 min
“La Tyrannie du mérite”, de Michael J. Sandel
Charles Perragin 19 mars 2021

Pour le philosophe américain Michael J. Sandel, ce n’est pas seulement l’inégalité extrême qui explique le trumpisme ou la montée de l’extrême droite en Europe…

“La Tyrannie du mérite”, de Michael J. Sandel

Le fil
1 min
N° 3 : “La Tyrannie du mérite”, de Michael Sandel
12 juillet 2021

D’un été l’autre, et en dépit de la pandémie de Covid-19, les publications en philosophie ont été nombreuses cette année. Comment s’y repérer dans cet océan de…

“La Tyrannie du mérite”, de Michael J. Sandel

Article issu du magazine n°143 septembre 2020 Lire en ligne
À Lire aussi
John Rawls et le partage du gâteau
Par Nicolas Tenaillon
juillet 2012
Est-il immoral de déshériter ses enfants ?
Est-il immoral de déshériter ses enfants ?
Par Ariane Nicolas
mars 2018
Alain Supiot : “Le néolibéralisme néglige la part d’incalculable de la vie humaine”
Alain Supiot : “Le néolibéralisme néglige la part d’incalculable de la vie humaine”
Par Jean-Marie Durand
août 2022
  1. Accueil-Le Fil
  2. Entretiens
  3. Michael J. Sandel : “La tyrannie du mérite est à l’origine de la révolte populiste”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse