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Pierre-Yves Gomez et Céline marty. © Pierre-Emmanuel Rastoin pour PM.

Dossier / “Est-ce qu’on travaille trop ?”

Pierre-Yves Gomez-Céline Marty : travail d’intérêt général

Céline Marty, Pierre-Yves Gomez, propos recueillis par Cédric Enjalbert publié le 16 février 2023 13 min

Il est économiste, enseignant la stratégie et la gouvernance d’entreprise ; elle est philosophe, spécialiste du travail et d’André Gorz. Ensemble, ils débattent de la valeur du travail dans nos vies et des promesses qu’offre la retraite.

 

Pierre-Yves Gomez : Les opposants à la réforme des retraites ne composent pas une « masse » uniforme. Pour les plus jeunes, passer de 62 à 64 ans reste une question un peu abstraite. Ils ne refusent pas tant la loi elle-même que l’horizon de vie productiviste qui leur est offert. À l’opposé, pour ceux qui étaient sur le point de partir à la retraite, l’injustice est objective, même avec la meilleure pédagogie. Entre ces deux pôles, l’opposition à la réforme fait surtout écho aux interrogations sur la place du travail dans nos vies. Aborder la question de la retraite par un angle technique et financier n’est pas à la hauteur de l’enjeu social, intellectuel et culturel que pose la question du travail aujourd’hui.

 

Céline Marty : Le Covid a modifié notre rapport théorique et pratique au travail. Mais ce débat collectif n’a eu, semble-t-il, aucune conséquence politique, notamment sur la conception de cette réforme, présentée presque à l’identique avant la pandémie. Par exemple, la question des métiers essentiels – de ceux qui étaient en première ligne et qui vont devoir travailler plus – ou non essentiels n’a pas été posée. Est-il juste d’investir tant de nos ressources humaines, énergétiques, financières, dans certains secteurs de la production, comme la publicité pour les marques de luxe ou le démarchage téléphonique ? L’enjeu des retraites n’est pas si abstrait pour les jeunes. Ils savent les conséquences qu’a eues le productivisme sur leurs parents et leurs grands-parents, mais aussi, déjà, sur eux-mêmes. Les expériences d’épuisement au travail dès les premiers stages, dans les écoles ou les formations, en témoignent. J’ai 28 ans, et je conçois distinctement que s’arrêter à 64, 62 ou 60 ans, cela fait une différence.

 

P.-Y. G. : Dans une enquête sur le sens du travail réalisée auprès de quatre cents de nos étudiants, j’ai pu constater que, malgré leurs idéaux affichés, ils restent plutôt conventionnels. Ils recherchent de bons postes, une bonne rémunération… L’âge de la retraite est moins important pour eux que l’intégration dans un collectif de travail et surtout que l’équilibre avec la vie privée. Or la réforme en cours est décontextualisée, plus technocratique que politique, car elle ne prend pas en compte la crise de la représentation du travail, amorcée dans les années 2000.

 

C. M. : Le Conseil d’orientation des retraites [COR] rappelle qu’il n’y a pas d’urgence à mener cette réforme. C’est donc moins le pouvoir des technocrates que le pouvoir politique qui est à l’œuvre, faisant le choix stratégique d’une réforme technique présentée comme un simple arbitrage financier, en espérant dépolitiser la question, évacuer les choix de société. Or on peut avoir une lecture marxiste de l’événement, en se demandant à qui profite un tel choix de politique publique.

 

P.-Y. G. : Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un choix machiavélien. Pour l’avoir observé en entreprise, la logique d’action et de représentation du monde technocratique exclut par hypothèse la dimension politique et finit par oublier la société. Elle n’est pas intentionnellement mais culturellement dépolitisée. Nul besoin de chercher un complot, même si l’on peut relever la posture de communication politique d’un gouvernement qui veut manifester son autorité en tapant du poing sur la table.

 

C. M. : Des témoignages de la « société réelle », il ressort d’abord qu’il est dur de travailler dans les conditions actuelles à 60 ans. Le « sens » de nos activités passe au second plan quand le corps ne suit pas. Il y a une nécessité à remettre de la matérialité dans nos débats. Arrive-t-on à se lever le matin et à faire les tâches qu’on nous demande quand on est une infirmière ou un policier ? La pénibilité ne vaut pas que pour les métiers les plus physiques en apparence, elle se pose aussi chez les enseignants ou les cadres, et même chez les avocats qui voient leurs collègues mourir d’une crise cardiaque à 60 ans.

 

P.-Y. G. : Ce que vous dites sur le corps et sur la matérialité du travail est très juste. Mais une autre dimension n’a pas été prise en compte : politiquement, la question de la retraite se prépare. Les Scandinaves ont patiemment encouragé un regard positif sur la place et le travail des seniors avant de repousser l’âge de la retraite. Nous avons au contraire investi sur le « jeunisme » et le « startupisme ». Durant des années, on a expliqué que le senior était obsolète dès la cinquantaine. Brutalement, il doit travailler davantage ! Mais il y a plus grave. On a tendance à présenter les retraités comme des inactifs quasi parasitaires. Or ils participent plus qu’on ne le croit aux activités de la société, ne serait-ce que comme point d’appui éducatif de leurs petits-enfants, notamment pendant les vacances scolaires ; ils représentent aussi plus de 60 % des présidents et des cadres gérant le monde associatif. Cela est oublié parce qu’on confond travail et activité professionnelle. On néglige les nombreuses heures de travail domestique, éducatif, associatif, collaboratif, voire de travail en tant que consommateur… L’exemple classique est la disparition du pompiste qui remplissait le réservoir de votre voiture. Avec l’automatisation, c’est désormais le client qui le remplit comme il scanne les produits qu’il achète, crée et édite ses billets de train, monte ses meubles en kit… La réalité objective est que nous travaillons bien au-delà de trente-cinq ou quarante heures par semaine. Avec la révolution numérique, on peut même travailler facilement en dehors de l’entreprise, en utilisant les mêmes outils que dans l’espace professionnel : un ordinateur et un téléphone portable qui permettent d’apprendre, de tisser des réseaux, de mener d’innombrables projets collaboratifs et associatifs… Ce travail-là assure aussi le fonctionnement de l’économie de la connaissance ! Cette réalité doit être prise en compte dans le débat sur les retraites comme dans la compréhension des attentes des collaborateurs à l’égard de l’entreprise.

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Article issu du dossier "Est-ce qu’on travaille trop ?" février 2023 Voir le dossier
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