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Prostituées au bord d’une route. © Frédéric Maigrot/REA

À la loupe

Quand les féministes se déchirent sur la prostitution (2/2) : les arguments abolitionnistes

Samuel Lacroix publié le 31 mars 2022 9 min

« Travail du sexe » ou « viol tarifé » ? Ces dernières années, la prostitution est (re)devenue un motif d’âpres échanges au sein du féminisme. Pourquoi tant de crispations ? Et quels arguments en jeu ? Passons en revue ceux des abolitionnistes, en tentant de démêler les philosophies qui les sous-tendent.

 

Je n’ai pas un corps, je suis mon corps : la prostitution n’est pas un travail comme un autre. Dans les arguments légitimant la prostitution au motif que « je fais ce que je veux de mon corps », il y a plusieurs impensés, notent les abolitionnistes. Premièrement, un strict dualisme n’est pas acquis : le corps n’est pas tout à fait assimilable à un objet que je possède et dont je dispose comme s’il m’était extérieur. « Je ne suis pas devant mon corps, je suis dans mon corps, ou plutôt je suis mon corps », indique Merleau-Ponty dans sa Phénoménologie de la perception (1946).

 

Retrouvez ici les arguments réglementaristes, dans la première partie de notre analyse.

 

Il se pourrait que l’intégralité de la personne soit engagée dans la prostitution, surtout dans la mesure où ce n’est pas que sa surface externe mais aussi sa partie interne, son intimité, qui est impliquée dans l’acte. C’est ce qui fait que la sexualité est une activité à part parmi toutes les autres, et que le viol est reconnu comme un crime spécifique. Si, nous sommes plus choqués par un viol que par un bras cassé, c’est bien que nous avons un sens particulier de l’intimité comme d’un espace singulier. De nombreux témoignages d’anciennes prostituées*, relayés notamment par la philosophe Christine Delphy ou l’essayiste Mona Chollet, font d’ailleurs mention d’un état de « dissociation émotionnelle », comme si celles-ci avaient cherché, précisément, à sortir de leur corps, au moment où elles voyaient leurs clients.

C’est ce qui rend délicate l’appellation « travail », autant que la comparaison avec d’autres travaux. Un ouvrier ne vend pas son sexe – partie du corps par définition investie de valeurs biologiques, psychologiques et symboliques fortes, autant que sensitives et affectives. Comme on peut lire dans l’enquête de Claudine Legardinier et Saïd Bouamama, Les Clients de la prostitution (Presses de la Renaissance, 2006) : « Au McDonald’s, vous n’êtes pas la viande ; dans la prostitution, c’est vous qui êtes la viande. » Vendre sa force de travail, ce n’est pas louer son intimité. D’ailleurs, le corps du travailleur n’intéresse pas le patron qui l’emploie : ce n’est pas son corps mais sa seule force de travail qu’il recherche ; s’il pouvait remplacer le travailleur par un robot plus efficace, il le ferait.

La prostitution attente à l’idée de dignité et d’intégrité humaine. Louer le sexe d’une personne, c’est en faire un moyen au service de sa propre satisfaction sexuelle. On réifie, on objective l’individu dont on obtient un service sexuel en monnayant son libre arbitre, en l’achetant comme une chose. Or, comme le précise Emmanuel Kant dans ses Leçons d’éthique (1780), « On peut disposer des choses qui n’ont pas de liberté, mais pas d’un être qui possède le libre arbitre. » C’est au nom de cette idée que l’abolitionnisme ne condamne pas le fait de se prostituer mais d’avoir recours à la prostitution. La personne qui se prostitue serait la victime d’un client qui commet un crime en achetant son consentement (puisque le consentement n’est par définition pas acquis, est effectivement obtenu par la médiation de l’argent : « D’accord, si tu me paies »).

À lire aussi : quand les féministes se déchirent sur la prostitution (1/2)
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