Qu’est-ce qu’une bonne question ?

publié le 3 min

Axel Denoual, 15 ans, Les Lecques

Souvent, en cours de philosophie, lorsqu’un élève pose une « bonne question », les autres entendent bien qu’il s’agit de la question qui « montait » depuis un certain temps, de l’enjeu essentiel, implicite dans les échanges précédents. La bonne question est celle qui clarifie cet enjeu : elle a cette double caractéristique de le ramasser et de le dramatiser en même temps. En général, la bonne question est directe, frontale ; elle se pose là. La bonne question est souvent formulée par celui qui est capable d’oser la simplicité, qui ne se protège pas derrière de pseudo-sophistications : elle n’est pas « prise de tête », pas alambiquée. Il y a de la joie dans une bonne question : joie de celui qui la pose, joie de ceux qui la comprennent, joie de la pensée elle-même. Une bonne question claque et réveille, même quand elle reste sans réponse, ce qui arrive souvent et pourrait tendre à prouver qu’elle était vraiment bonne. Une bonne question relève aussi d’un certain timing : c’est parce qu’elle arrive au bon moment qu’elle est bonne. La bonne question ne l’est donc souvent pas en soi, mais relativement à un certain contexte, ce qui peut être vrai aussi bien au niveau d’un cours de philosophie que de l’histoire de la philosophie elle-même. « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » est une bonne question, posée par Leibniz au XVIIe siècle, qui reprend mais surtout adapte la traditionnelle question aristotélicienne sur la nature de l’Être. Elle est bonne parce que, ainsi formulée, elle parle aux hommes de son temps, qui est notamment le siècle du progrès de l’algèbre. Il y a dans une bonne question un étonnant mélange d’humilité et de courage. Humilité, car poser une bonne question signifie d’abord ne pas en connaître la réponse. Mais courage aussi, car une bonne question engage son auteur sur sa vision d’un problème, révèle une manière de voir synthétique : une bonne question rend inutile un grand nombre d’autres questions. Une bonne question, le plus souvent, met tout le monde d’accord : non sur la réponse mais sur la pertinence de la question et, plus encore, sur le désir de s’y confronter. Elle ne peut sortir d’un esprit blasé, elle émane difficilement d’un esprit ironique : elle rappelle, dans sa simplicité, que la philosophie commence avec cette capacité à s’étonner de ce que d’autres ne remarqueraient même pas. La bonne question se repère à son effet immédiat : elle nous rend soudain plus présents à nous-mêmes et au monde.

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