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© Mathieu Zazzo pour Philosophie magazine

Dossier “Pourquoi on s’énerve ?”

Raphaël Enthoven-Agnès Jaoui : de l’art de discuter (presque) sans se disputer

Agnès Jaoui, Raphaël Enthoven, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 03 juin 2021 13 min

Il sait susciter comme personne l’agacement de ses détracteurs sur les réseaux sociaux. Elle a écrit, avec Jean-Pierre Bacri, quelques-uns des emportements les plus mémorables du cinéma français. Ces deux « experts » démontent la mécanique de l’énervement… jusqu’à s’y laisser prendre !

 

Quelle place occupe l’énervement dans vos existences ?

Agnès Jaoui : Je distingue deux types d’énervement. Il y a un énervement intellectuel, qui m’est inspiré par des comportements, des scènes, des discours auxquels j’assiste, et qui est un moteur, qui me fait écrire. Et il y a un énervement davantage subi, qui m’apparaît comme presque physique ou physiologique, et dont j’essaie de me débarrasser avec un insuccès grandissant.

 

Raphaël Enthoven : Je suis assez d’accord avec cette distinction. Quand j’étais enfant, ce que je ne supportais pas, c’était la mauvaise foi. J’avais tellement de mal à accepter son existence même que, pour ne pas m’emporter, je cherchais des excuses à celui qui la pratiquait. Mais c’est là un énervement noble, une indignation. L’indignation est souvent féconde. Cependant, il y a l’autre énervement, celui qui est intime, sur lequel on a peu de prise. Le métier de philosophe a ceci de particulier que, pour des raisons au demeurant obscures, on lui associe la sérénité. Cela produirait presque un effet pervers : quand vous avez fait de la philosophie votre métier, vous avez la recette pour ne pas vous énerver, et vous expérimentez au quotidien l’abîme entre ce qu’on sait et ce qu’on peut.

 

A. J. : L’indignation est une source d’inspiration politique, et la rage, c’est au contraire une honte.

 

R. E. : Ce qui est quand même fascinant avec la rage, c’est le décalage, parfois, entre la pauvreté de sa cause et l’ampleur des cata­strophes auxquelles elle peut conduire. Emil Cioran prétendait que les « déboires administratifs » comptaient « parmi les motifs recevables de suicide ». Ce n’est pas une boutade.

 

A. J. : Un film met cela en scène, Chute libre [1993], avec Michael Douglas. Le héros, un homme divorcé, est pris dans un gigantesque embouteillage à Los Angeles, par une journée de canicule. Il va sortir de sa voiture et s’en prendre à la terre entière, dans une pulsion de destruction effrénée…

 

R. E. : J’adore ce film et, si l’on y songe, l’histoire n’est pas très éloignée de L’Étranger. Que nous raconte Albert Camus à propos de Meursault ? Qu’il est sur une plage, qu’il a chaud, qu’il est au bord du malaise. Une altercation a lieu et, quand un Arabe sort un couteau devant lui, il use de son revolver ; il tire presque pour se débarrasser de la chaleur, après avoir constaté qu’on ne fuyait pas le soleil en faisant un pas de côté. C’est le génie spécifique de la littérature : donner à voir qu’une cause infime peut vous ouvrir les portes de l’enfer. Et que la déraison n’est pas de perdre la tête mais de se donner des causes plus petites que leurs conséquences.

 

Agnès Jaoui, Place publique [2018], où l’on voit Jean-Pierre Bacri dans l’un de ses derniers rôles, ne s’ouvre-t-il pas sur une scène similaire ?

A. J. : En effet ! L’action de Place publique se déroule dans une belle propriété, à la campagne, où se trouvent des présentateurs de la télé, des stars, un milieu parisien très favorisé. À côté habite un voisin agriculteur qui n’arrive pas à dormir à cause de leurs fêtes. Il est à bout. La première scène du film le montre, excédé, qui se dirige vers la soirée un fusil à la main, prêt à en découdre… Avec Jean-Pierre, nous avons écrit cette scène un an avant le mouvement des « gilets jaunes ». Mais, rétrospectivement, je me suis dit qu’elle anticipait cette crise. Vous avez, d’un côté, une élite, des privilégiés qui baignent dans leur entre-soi. Et, de l’autre, des gens qui se trouvent réduits au silence. Je n’approuve pas les partis populistes ni l’extrême droite, loin de là, et cependant, je suis frappée de constater que les gens « qui passent à la télé », pour le dire vite, ont des habitudes de langage, des valeurs implicites, qui font qu’ils méprisent ouvertement ces idées-là, et donc ces gens-là. Je me mets à la place de ces électeurs dont l’avis n’a pas droit de cité. Je comprends qu’ils finissent par avoir envie de tout casser pour se faire entendre !

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