Tristan Garcia : “Les algorithmes gèrent nos nerfs pour nous transformer en rats de laboratoire”
La découverte de l’électricité a contribué à faire émerger un nouvel idéal d’existence centré autour de l’intensité nerveuse. Avec la révolution numérique, nos énervements sont devenus la matière première de la vie sociale. Le philosophe Tristan Garcia, auteur de La Vie intense. Une obsession moderne, se demande comment faire pour ne pas « péter les plombs ».
Dans La Vie intense, vous soutenez que la découverte, au XVIIIe siècle, de l’électricité et du fluide électrique censé traverser le système nerveux des êtres vivants, a modifié notre rapport au monde. De quelle manière ?
Tristan Garcia : L’idée selon laquelle le système nerveux est parcouru par un fluide électrique a fait apparaître une parenté insoupçonnée de l’homme avec les animaux. Par les nerfs, nous sommes reliés à tous les êtres sentants et souffrants, ainsi que le montrent les planches d’anatomie et les expériences de dissection animale de cette époque. Ce sont les prémices de notre empathie contemporaine pour le monde animal : être une personne, c’est être capable de souffrir, de disposer d’un système nerveux central. La découverte de l’électricité recelait une promesse magique plus ample : celle de révéler le fluide subtil qui circule entre les êtres. C’est le sens des expérimentations menées alors dans toute l’Europe sur l’électromagnétisme, où l’on met en scène des individus dont les cheveux se dressent sur la tête lorsqu’on fait passer dans leur corps un courant de faible intensité. Cela fait surgir l’idée que la vie, en tant que sensible, est nerveuse et, en tant que nerveuse, est électrique. Les libertins donnent à cette idée une traduction existentielle : en cherchant à intensifier leur vie par des expériences sur leurs désirs, sur les limites de la jouissance et de la souffrance, ils sont les premiers héros de la vie intense. Mais, tout au long des XIXe et XXe siècles, de Rimbaud aux surréalistes, s’affirme l’idée que le ressort de la « vraie vie » est un sursaut nerveux contre l’endormissement qui nous menace. Ce sentiment de nervosité ne peut être mesuré du dehors, l’individu doit le sentir vibrer en lui, être « galvanisé » de l’intérieur. Sauf que le prix à payer est son irritabilité. Plus il est vivant, plus il est énervé.
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