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Boulevard de Clichy (Paris). © Victorine de Oliveira

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Une déambulation photographique dans Pigalle avec Victorine de Oliveira

Victorine de Oliveira publié le 22 décembre 2023 4 min

Vous habitez en dehors de Paris ou même de la France, mais vous avez toujours rêvé de vous offrir une déambulation dans le mythique quartier de Pigalle, avec ses boîtes de nuit, ses sex-shops et ses ruelles inondées de lumière rouge ? Notre journaliste Victorine de Oliveira, qui habite le quartier et a pris l’habitude d’en tirer des clichés, vous emmène. Et vous raconte ses virées nocturnes.

Au terme de la balade, si ces prises de vue envoûtantes, de corps, d’ambiance, d’objets perdus, vous retiennent, vous pourrez vous les procurer… ou les offrir, ici.


 

Pigalle serait un quartier parisien en bout de course, entend-on dire parfois. Depuis la fermeture et la démolition du mythique Bus Palladium, ainsi que du café quasi centenaire le Sans-Souci, tous deux disparus ces derniers mois, on serait presque tenté de se joindre à la mise au tombeau. Les travaux actuellement à l’œuvre place Pigalle, à la jonction du IXe et du XVIIIe arrondissement de Paris, parviennent par ailleurs difficilement à faire oublier que le dernier néon emblématique du lieu, celui du Folie’s, devrait à son tour bientôt être rasé pour laisser place à un mini-centre commercial – quand la nuit s’éteint, les promoteurs s’éveillent. Je vis dans ce quartier depuis presque dix ans, et j’y ai emménagé à une époque où il s’était déjà gentrifié. L’âme et l’histoire d’un lieu se laissent-elles si facilement effacer, ou subsistent-elles malgré tout dans les interstices ? C’est ce que j’essaye de traquer dans les reflets des vitrines du boulevard de Clichy, où s’alignent les sex-shops. Devenues essentiellement des attractions à touristes depuis le confort et la discrétion offerte par internet pour s’offrir un sex-toy ou regarder du porno, ces vitrines cachent parfois des fantômes qui ne sortent que la nuit. Les lumières s’y dispersent en effet sur différents plans : on joue avec la profondeur de champ, et une autre réalité, invisible au premier regard, apparaît. Affiché à l’envers, un néon y prend une signification nouvelle. Les réverbères semblent flotter dans l’air, écrivent une ligne mélodique sur une portée imaginaire, peut-être celle d’un air qu’on entendait autrefois dans les cabarets du coin.

Reflets de Pigalle, boulevard de Clichy, juin 2022. © VdO

Reflets de Pigalle, boulevard de Clichy, juin 2022. © VdO

Il n’y a quasiment que des mannequins femmes, dans les vitrines des sex-shops de Pigalle. Ces poupées grandeur nature, largement déshabillées, dans des positions qui se veulent lascives mais ne se débarrassent jamais complètement de leur raideur d’objets inanimés, ont quelque chose de parfois touchant. Une déchirure, un accident lié peut-être à une chute ou un choc se laissent par moments deviner, et le plastique prend des allures de chair. Ces mannequins exposés n’exhibent pas uniquement chokers, harnais, strings et culottes fendues, ils sont eux-mêmes la vitrine de tout un travail devenu quasiment invisible. Certes, la prostitution s’est évanouie des rues, à force de lois sur le racolage passif. Mais il existe toute une économie, celle des bars à hôtesses et des peep shows, qui n’a pas entièrement disparu. Les filles y vendent moins leur corps que le fantasme de la disponibilité et de la conversation tarifée. Le chaland, elles le font casquer, sans aucuns états d’âme. Restent l’ennui de l’attente, la fatigue de la nuit et de certains excès pour tenir le rythme, que le maquillage épais et les tenues légères ne parviennent pas toujours à dissimuler.

Bras de mannequin abîmé, boulevard de Clichy, septembre 2021. © VdO

Boulevard de Clichy, septembre 2021. © VdO

Pourquoi la nuit est-elle si attirante à Pigalle ? Parce qu’elle invite au brouillage des corps, des genres et des catégories sociales. Il arrive que certains lieux de fête permettent cela, avec une alchimie qui se crée entre les murs, les danseurs professionnels parfois invités à faire de véritables performances artistiques (voguing, drag, etc.) et les noctambules de sortie. « On consent à la nuit parce qu’elle est dénuée de témoins à charge », écrit Michaël Fœssel dans un essai consacré à son expérience de la nuit (Éditions Autrement, 2018). On peut donc y exhiber un corps qui n’est pas conforme aux standards de beauté vus sur les couvertures de magazines, on peut danser de façon grotesque jusqu’à ressembler à un pantin désarticulé, on peut s’inventer une nouvelle identité, on peut discuter passionnément avec des inconnus qu’on ne recroisera jamais, on peut découvrir de nouvelles formes de solidarité dans les toilettes, on peut oublier que le lendemain, il faudra se lever pour aller travailler.

Hava au Rouge, “Je t’aime party”, janvier 2020. © VdO

Hava au Rouge, “Je t’aime party”, janvier 2020. © VdO

Le boulevard de Clichy est fait de lignes parallèles vouées à ne jamais se rencontrer, par définition. Encore que. Au bout de l’avenue Rachel, perpendiculaire au boulevard, à quelques mètres des bars et des sex-shops, se trouve l’entrée du cimetière de Montmartre, l’un des célèbres cimetières-jardins parisiens ouverts au début du XIXe siècle. Les tombes y ressemblent parfois à des monuments destinés à la postérité. Mais le temps y est plus que jamais à l’œuvre : anfractuosités dans la pierre, fissures, brisures, tâches, traces, graffitis et inscriptions parfois mystérieuses témoignent de son passage, alors qu’il s’est définitivement figé pour les morts. Comme les mannequins en vitrine, la matière inanimée paraît vivante, puisqu’elle peut afficher ses blessures. Elle contredit ainsi parfois la prétention des hommes, comme cette « concession à perpétuité » à moitié effacée. Il n’est d’ailleurs désormais quasiment plus possible d’acquérir de telles concessions dans les cimetières parisiens, faute de place.

Cimetière de Montmartre, avril 2023. © VdO

Cimetière de Montmartre, avril 2023. © VdO

 

Pour retrouver davantage de photographies, rendez-vous ici.

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