Antipolis
Une recension de Arthur Dreyfus, publié leDans Mise en pièces, Nina Leger explorait la construction du désir sexuel. Cinq ans plus tard, briques et parpaings ont remplacé orifices et muqueuses – du moins en apparence, car tout démarre par une histoire d’amour. Celle unissant Pierre Laffitte, géologue habité par un projet de bâti prophétique, et Sofia Glikman-Toumarkine, femme de lettres russe, juive, ayant survécu aux pogroms et à l’Occupation avant de s’établir à Paris. Elle est sa professeure, de vingt ans son aînée, mariée. Mais des histoires utopiques naissent les plus grands projets. Et quoi de plus vaste qu’une ville née de rien, poussant son premier cri entre les arbres ?
En hommage à son épouse et au premier nom d’Antibes – « la ville d’en face » –, Laffitte la baptisera Sophia-Antipolis. Mais déjà l’urbanisme prend le pas sur l’intime : c’est la réussite de Leger de mêler l’un et l’autre, échafaudant ses récits comme une tour mentale, à la faveur d’un style faussement neutre, aérien, plus précis qu’un plan d’architecte mais jamais départi de cette poésie qu’un Le Corbusier parvint à insuffler au béton. Sa plume sait dire l’envol des rêveurs : « Elle est là, visible de lui seulement, blanche, rose, secrète comme un futur endormi. » Jusqu’à l’éboulement de l’espoir quand l’amour est rattrapé par les lois de la physique. Sophia naît en 1969. Sofia meurt d’un cancer en 1979 : « La ville advient, la femme s’en va. La ville échappe, la femme aussi. Est-ce une harmonie, est-ce une cruauté ? »
Là s’esquisse le pan plus idéel du roman. Faisant écho à Octavio Paz (« L’architecture est le témoin incorruptible de l’histoire »), Leger change d’époque pour sillonner un chapitre moins connu de sa chronique : sur ce terrain réputé vierge, la mémoire de harkis placés là au retour d’Algérie. Des familles que nul ne voulait voir, recelées en pleine nature dans des préfabriqués précaires. Aux yeux de l’administration, un « hameau de forestage ». Aux yeux des harkis, un camp, comme celui de Rivesaltes. Un vestige grippe l’avenir de la ville où le futur a trouvé ses racines. L’âme des lieux scrute celle de ses démiurges. Un oublieux s’écrie : « Arrêter de construire parce qu’en dessous il y a des trucs qui racontent des trucs ? C’est le destin de l’Humanité de se recouvrir progressivement ! » On songe à Valéry, faisant dialoguer Phèdre et Socrate : « Je conçois maintenant comme tu as pu hésiter entre le construire et le connaître. » La dernière page d’Antipolis laisse la question ouverte, et le lecteur ému.
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