Bartleby Le Scribe ; Billy Budd marin et autres romans
Une recension de Alexandre Lacroix, publié leÀ son sommet, l’art du récit touche au cœur de la condition humaine. Cas d’école, le court roman Bartleby. Scribe dans l’officine d’un juriste à Wall Street, Bartleby est ce type bizarre qui décline d’abord de menues tâches, pour ensuite refuser de travailler, d’être payé et même de décamper, en répétant : « Je préférerais ne pas. » En 1853, Melville dépeint la condition des salariés du tertiaire. Cette figure de l’employé médiocre, apparue au XIXe siècle, a inspiré les plus grands auteurs : comment la liberté humaine accepterait-elle d’être enchaînée à des tâches répétitives et abstraites ? Pour Dostoïevski, il y a là de quoi vous rendre fou (Le Double) ; pour Kafka, vous risquez d’être transformé en cafard (La Métamorphose) ; selon Pessoa, c’est l’insomnie qui vous guette (Le Livre de l’intranquillité)… Bartleby, lui, ne devient rien du tout. C’est un personnage arrêté. À trop faire la marionnette, l’homme se casse. Gilles Deleuze, dans son article « Bartleby, ou la formule » (Critique et clinique), parle d’« agrammaticalité ». Explication : à propos de clous, si je dis « j’en ai un de pas assez », je contracte des expressions correctes, « je n’en ai pas assez, il m’en manque un ». De même, quand je dis « je préférerais ne pas », je contracte « je préférerais cela, je préférerais ne rien faire, j’ignore ce que je préfère ». L’agrammaticalité est une formue-bloc qui reflète l’état d’esprit du scribe.
Autre court roman de Herman Melville au sens inépuisable : Billy Budd, publié à titre posthume en 1924. Voici l’histoire d’un marin, enfant trouvé, de noble ascendance, d’une bonté et d’une beauté totales, qui finira pendu tant sa présence dérange l’équipage de son bateau, baptisé Droits de l’homme. Hannah Arendt, dans son Essai sur la révolution, lui consacre un passage inspiré : selon elle, Billy Budd répond aux idéaux des révolutionnaires français proclamés par les droits de l’homme. Si un homme d’« une bonté absolue » se dressait devant ses semblables, ils se ligueraient contre lui pour l’éliminer. Car l’absolu défie les institutions et la Loi, lesquelles naviguent toujours entre le bien et le mal. « L’absolu – et pour Melville, un absolu s’incorpore dans les droits de l’homme – c’est la perdition de tout un chacun si on l’introduit en Politique. » Mais qui a dit que le roman faisait mauvais ménage avec la réflexion ?
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