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(cc) Unsplash / Alex Iby

Claude Romano: “Je me demande comment exister de manière juste”

Claude Romano, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 02 juillet 2019 14 min

Auteur d’un essai d’une ambition impressionnante qui vient de paraître, Être soi-même. Une autre histoire de la philosophie, Claude Romano nous expose ici les trois grandes voies qui permettent d’atteindre l’authenticité et fait l’éloge de la nonchalance.

Le souci de coïncider avec soi-même, d’atteindre une certaine authenticité, est-il propre aux sociétés occidentales, ou en trouve-t-on des équivalents dans d’autres cultures ?

Claude Romano : Depuis qu’Alexis de Tocqueville en a fait le diagnostic au début du XIXe siècle, les sociétés occidentales et démocratiques mettent l’individu au centre. Nous vivons dans une civilisation très individualiste, et cette tendance s’est accrue depuis la Seconde Guerre mondiale. L’idée que l’individu doit s’affirmer, épanouir ses potentialités, s’est installée dans les esprits, notamment au moment de la vague libertaire de 1968. Cette question intéresse-t-elle d’autres cultures ? Difficile de répondre tout uniment, mais j’ai trouvé dans la pensée chinoise des affinités avec certains pans de la pensée occidentale. Si quelqu’un s’apprête à passer un entretien d’embauche, on lui dira : « Sois naturel ! » Or le naturel, l’absence d’artifice et de composition de soi sont omniprésentes dans la tradition chinoise. Qu’on songe, par exemple, à la réflexion sur la calligraphie : le maître calligraphe est celui qui retrouve un geste parfaitement fluide et spontané, qui imite les mouvements mêmes de la nature. La tradition du tir à l’arc zen me semble aller aussi dans ce sens, puisque l’archer ne doit jamais viser sa cible, auquel cas il la manquera, mais laisser son geste s’accomplir en quelque sorte « tout seul ». Il ne doit d’ailleurs même pas savoir qu’il tire. Cette question du naturel est aussi au cœur de la pensée taoïste.

 

L’expression « être soi-même » n’est-elle pas un peu galvaudée ?

Elle est très répandue, notamment dans la communication publicitaire, où l’on voit fleurir des slogans comme « Deviens ce que tu es » (Lacoste) ou « Venez comme vous êtes » (McDonald’s). Face à ce marketing de l’authenticité, l’agacement est légitime ! Mais mon pari est qu’il est possible de donner un contenu philosophique à l’exigence d’« être soi-même », qu’elle n’est pas seulement une affaire de pub, un effet de mode. La recherche d’une certaine adéquation à soi, d’une forme d’existence en conformité avec son être profond est aussi ancienne que la philosophie elle-même.

 

« Il faut fuir, autant qu’il est possible, comme un écueil très acéré et dangereux, l’affectation et, pour employer peut-être un mot nouveau, faire preuve en toute chose d’une certaine désinvolture [sprezzatura], qui cache l’art et qui montre que ce que l’on a fait ou dit est venu sans peine et presque sans y penser »

Baldassare Castiglione, Le Livre du courtisan (1528)

Parmi les diverses voies vers la coïncidence avec soi-même que votre livre présente, l’une des plus originales est celle du naturel, de la nonchalance. Vous proposez à cet égard une lecture surprenante du Livre du courtisan de Baldassare Castiglione [1478-1529]. 

Ce qui intéresse Castiglione est l’accès à une forme de justesse dans notre manière d’exister. L’opposé de cette justesse d’être, c’est l’affectation, la tendance à vouloir se faire passer pour autre qu’on est ou à adopter une manière d’être étrangère. Best-seller aux XVIe et XVIIe siècles, Le Livre du courtisan [1528] se lit souvent comme un simple traité de civilité. Mais il a une portée plus profonde : Castiglione y décrit la grâce, manière d’être du courtisan idéal, en forgeant un concept difficilement traduisible, la sprezzatura, la nonchalance, la désinvolture. Le courtisan n’est pas un simple type sociologique mais plutôt un modèle d’humanité accomplie. Le courtisan parfait est l’homme universel, qui excelle dans tous les domaines, les arts, les armes, la galanterie, les lettres. D’où lui vient cette capacité ? Précisément de la sprezzatura, du détachement intérieur qu’il con­serve en toutes choses, de son absence d’application et d’étude. Castiglione est nourri de la lecture des philosophes grecs, et son idéal humain n’est pas sans rapport avec la magnanimité, la « grandeur d’âme » des Grecs, telle que la pense notamment Aristote. Ne pas chercher à se pousser aux premières places, ne pas courir après les honneurs, mais les mériter parce qu’on a une vie vertueuse : tel est le magnanime aristotélicien. On songe aussi à Socrate, qui n’a jamais flatté les puissants, qui ne tente à aucun moment d’accéder au pouvoir ni de faire fortune. La nonchalance s’associe en la personne de Socrate avec la vertu et la recherche de la vérité : nous voici loin des intrigues de cour.

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Article issu du magazine n°131 juillet 2019 Lire en ligne
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