Un extrait de Montaigne commenté par Claude Romano
L’extrait de Michel de Montaigne
« Or, de moy, j’ayme mieux estre importun et indiscret que flateur et dissimulé. J’advoue qu’il se peut mesler quelque pointe de fierté et d’opiniastreté à se tenir ainsin entier et descouvert sans consideration d’autruy ; et me semble que je deviens un peu plus libre où il le faudroit moins estre, et que je m’eschaufe par l’opposition du respect. Il peut estre aussi que je me laisse aller apres ma nature, à faute d’art. Presentant aux grands cette mesme licence de langue et de contenance que j’apporte de ma maison, je sens combien elle decline vers l’indiscretion et incivilité. Mais, outre ce que je suis ainsi faict, je n’ay pas l’esprit assez souple pour gauchir à une prompte demande et pour en eschaper par quelque destour, ny pour feindre une verité, ny assez de memoire pour la retenir ainsi feinte, ny certes assez d’asseurance pour la maintenir ; et fois le brave par foiblesse. Parquoy je m’abandonne à la nayfveté et à tousjours dire ce que je pense, et par complexion, et par discours, laissant à la fortune d’en conduire l’evenement. »
Essais, II, 17, « De la présomption ».
Le commentaire de Claude Romano
« On a l’habitude de comparer les projets de Rousseau dans ses Confessions et ceux de Montaigne. Mais ils sont très différents. Tous deux mettent l’accent sur l’importance de la sincérité. Mais celle que Rousseau revendique dans son ouvrage est immédiatement contaminée par la manière dont il fait sa propre apologie : il s’agit de prouver au lecteur, contre toutes les calomnies qui sont colportées sur lui, la “pureté” de son cœur. L’ennui, c’est que plus on cherche à persuader le lecteur que l’on est sincère, plus celui-ci peut entretenir des doutes légitimes à ce propos. Montaigne ne tombe pas dans ce travers : il a dit adieu au lecteur dès les premières lignes de son texte, il lui donne son congé et le renvoie à ses affaires. Donner une bonne image de lui-même n’est pas son problème. Montaigne évite ainsi à la fois l’apologie de lui-même et l’autodévalorisation qui constitue une autre manière de se mettre en avant. Il arrive à garder une juste attitude, une forme d’assiette, à l’égard de ces deux travers. »
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