Kwaï

Une recension de Philippe Garnier, publié le

Un pont quelque part en Thaïlande, un cimetière militaire, une gare… L’endroit ne s’appelle même pas Kwaï, comme dans le film de David Lean et le roman de Pierre Boulle, mais Khwè. La déception serait programmée si Vincent Hein n’était pas un voyageur, et un écrivain, paradoxal. « La pensée, comme l’herbe, pousse par le milieu », disait Gilles Deleuze dans Pourparlers. Elle n’a ni origine ni destination. Telle est, depuis L’Arbre à singes (Denoël, 2012), la démarche de Vincent Hein. Le voyage ne sert pas tant à « aller quelque part » qu’à changer de focale, à déplacer le regard. Dans Kwaï, il enclenche un film intérieur, avec une grâce fluide, des fondus enchaînés et de longs plans fixes et vibrants. Un cinéma où les souvenirs familiaux, les joies de l’enfance, mais aussi les disparus, les oubliés, les rescapés, peu à peu occupent la scène. Ce pèlerinage sur un lieu perdu dans la jungle thaïlandaise mais chargé de mémoire de la Seconde Guerre mondiale est une expérience non pas de l’espace, mais du temps.

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