La Cité écologique. Pour un éco-républicanisme
Une recension de Octave Larmagnac-Matheron, publié leÉcologie : table rase ou table ouverte ? Devons-nous revoir intégralement notre pensée sociale et politique pour faire face au dérèglement climatique ? Non, répond le philosophe Serge Audier dans son dernier livre, car l’idéal politique républicain offre de précieuses ressources pour incorporer les problématiques environnementales.
La « Modernité » est-elle responsable de la crise écologique ? Oui, répond en chœur la quasi-totalité des penseurs de l’écologie : la Modernité porte en elle une idéologie de « domination prométhéenne et instrumentale » de la nature. En exaltant la marche irrépressible du progrès, elle a donné naissance au productivisme industriel et capitaliste – à grand renfort de techniques toujours plus performantes d’exploitation. En valorisant la liberté des hommes, elle a nourri un individualisme toujours plus débridé, égoïste, déraciné et insensible au sort de la planète. En se revendiquant de l’humanisme, enfin, elle a conduit à l’émergence d’une vision anthropocentrique du monde dans laquelle seul compte le destin de l’Homme. Le constat semble imparable. Et la réponse inévitable : nous devons faire « table rase » de cet héritage qui, de la Renaissance aux Lumières, nous transforme en prédateurs de la Terre.
« Doit-on et peut-on repartir de zéro, tout réinventer – nos catégories, nos façons d’agir et de faire société ? ». La Cité écologique, le dernier ouvrage de Serge Audier, passionnant de détails historiques et de subtilité théorique, prend le contre-pied de cette opposition trop binaire pour être honnête. La modernité, en effet, n’est pas « monolithique » ; elle possède au moins deux significations qui, si elles ont presque toujours été confondues, n’en sont pas moins distinctes : « D’une part, le projet d’autonomie individuelle et collective, et, d’autre part, le projet de maîtrise rationnelle du monde ». Le second est évidemment porteur de destruction. Cependant, le premier est parfaitement légitime. Il fonde d’ailleurs l’idéal politique des Lumières : l’établissement d’une République – le régime de la « chose commune » et de « l’intérêt général ».
Tout l’objectif d’Audier consiste justement à concilier cet idéal républicain d’autonomie avec l’exigence écologique. À ses yeux, le républicanisme doit « s’hybrider » avec la pensée écologique pour donner naissance à des dispositifs « mixtes » (« service civique écologique », « quasi-propriétés socialisées », etc.). Le cadre républicain est même, selon Audier, le seul pertinent pour faire face à la crise environnementale, car il repose sur une « recherche toujours précaire d’un intérêt général » qui est et doit rester « ouverte ».
C’est en effet parce que le « bien commun » y est objet de disputes, de négociations, de délibérations jamais définitives que la République, depuis ses origines censitaires, a pu inclure au fil des siècles les pauvres, les femmes, les personnes racisées… et peut-être demain les êtres non humains qui composent aussi l’espace commun de nos existences et possèdent leurs propres intérêts. Non que ces créatures doivent être considérées comme des personnes à l’égal des hommes – Audier insiste sur la « spécificité du monde humain » – ; il est cependant impératif, à ses yeux, de reconnaître « la diversité et l’hétérogénéité des êtres » et leur « interdépendance ». À vrai dire, nous y sommes déjà habitués, car la République se fonde sur la pluralité humaine et la conflictualité des intérêts. Le passage à la « cité écologique » s’apparente alors à un « élargissement » nuancé de notre héritage politique, plus qu’à un grand chambardement.
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