La Malédiction de la muscade
Une recension de Victorine de Oliveira, publié leEn 1621, dans l’archipel des Banda – un ensemble d’îles situées à l’est de l’océan Indien, dans l’actuelle Indonésie, et administrées par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales –, un événement s’est produit qui donnera le ton de la domination occidentale sur le monde. Les Banda ont alors la particularité d’être l’écosystème où la noix muscade s’épanouit le mieux. Or, au XVIIe siècle, les épices sont recherchées à la fois pour leur goût et leur parfum – pour une certaine utilité donc –, mais aussi parce qu’elles sont des symboles de luxe et de richesse à l’aura quasi surnaturelle – des « fétiches », écrit l’auteur, « des formes primordiales de la marchandise ». Dans les îles Banda, la muscade excite tant la convoitise des colons hollandais qu’ils finissent par se fatiguer de traiter avec les populations locales pour tout simplement les massacrer et exploiter tranquillement une ressource naturelle sans rendre de compte à personne.
Du récit de cette folie meurtrière déclenchée par une denrée qui a la réputation de guérir de la peste, l’essayiste indien Amitav Ghosh fait le symbole de la prédation et de la violence coloniale. Cette dernière n’est jamais occasionnelle ni fortuite. Elle est au contraire organisée et systématique, au point que les déplacements de population et les logiques génocidaires peuvent s’observer partout où il y a eu invasion, puis transformation de l’environnement au profit des colons. Elle repose également sur une certaine conception de la nature vidée de tout esprit et mise à distance, réduite au statut de ressource exploitable – se libérer des « liens maussades de la terre », pour reprendre un poème de l’aviateur John Gillespie Magee constitutif de l’imaginaire américain, a longtemps été le mantra du progrès. On suit Ghosh porté par le souffle d’un récit qui brasse une quantité impressionnante de faits historiques, peut-être moins son hypothèse d’une terre qui serait désormais parvenue au stade de « se venger ». Reste le tableau macabre de ce que les fantasmes autour d’un fruit aux allures de « petite planète » ont pu déclencher dans et sur le globe.
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