Le don des philosophes : Repenser la réciprocité

Une recension de Catherine Halpern, publié le

La philosophie contemporaine semble hantée par la question du don. Ce n’est sans doute pas un hasard à l’heure où dominent sans partage le marché et le culte du profit. Marcel Hénaff relit ici Ricœur, Derrida, Levinas, Marion, Descombes, Lefort… Nombre d’entre eux portent une vision radicale du don pensé comme absolument généreux, sans attente d’aucun retour. Jusqu’à devenir chez Derrida l’impossible même. Hénaff met ces philosophies à l’épreuve de l’anthropologie et montre combien il est abusif d’opposer le don comme éthique de la gratuité pure à l’échange forcément marchand. Reprenant les analyses de Marcel Mauss, il interroge en particulier la disparition du don cérémoniel, où le don appelait le contre-don, qu’il s’agisse de la kula des îles Trobriand en Mélanésie ou du potlatch sur la côte nord-ouest de l’Amérique. Visant à éviter le conflit, le don cérémoniel était « d’abord une procédure de reconnaissance réciproque publique entre groupes ». Même si cette procédure est désormais assurée dans nos sociétés par les institutions politiques et juridiques, le don comme alliance demeure un socle anthropologique que les philosophes feraient bien de méditer.

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