Le Livre dit
Une recension de Mehdi Belhaj Kacem, publié leL’évidence s’impose enfin : Duras est l’un des écrivains de langue française majeurs du XXe siècle. À l’heure du centenaire de sa naissance, la canonisation bat son plein, avec notamment la parution dans la Pléiade des tomes 3 et 4 de ses œuvres complètes. Parallèlement paraît un inédit, Le Livre dit, transcription intégrale des rushes d’un documentaire réalisé lors du tournage d’Agatha, qui raconte la passion incestueuse d’un frère et d’une sœur. Ce document démolit joyeusement la caricature de l’intellectuelle phraseuse et soporifique longtemps véhiculée à son sujet. Elle apparaît au contraire comme un ogre existentiel. D’un ogre à l’autre, Depardieu a d’ailleurs dit d’elle récemment : « Duras, Picasso, Bacon, Mozart, c’est génial. […] Tous les génies sont monstrueux et terriblement injustes. » Rien ne l’illustre mieux que ce livre : non seulement le génie, l’acuité permanente au détail, l’intelligence sensitive, la créativité illimitée ; mais encore, à point nommé, la monstruosité, la mégalomanie, le narcissisme, la cruauté, l’alcoolisme, l’hystérie…
Ce document est jouissif parce qu’on y voit Duras heureuse. Elle vient de rencontrer Yann Andréa, jeune philosophe homosexuel, complexé et intelligent, éperdu d’admiration, puis d’amour pour Duras, qui le lui rendra au point de devenir son Pygmalion inversé. Jusqu’au sadisme : on assiste ainsi à une scène drolatique du tournage où elle le dirige tyranniquement, une sorte d’exercice millimétré de la castration (« je coupe tout le monde », avoue-t-elle ailleurs) : « Espèce de con ! Bon, souris-moi gentiment », « Ces pantalons à la con, là, à la bourgeoise, c’est bien ta mère pour t’offrir ça ! », ou encore – summum d’atrocité raffinée –, « Regarde quelque chose quand même, même avec ta myopie. »
Le bonheur habite ce livre comme sa Muse : « le bonheur n’existe pas et c’est dans cette inexistence du bonheur que le bonheur existe », « le bonheur, c’est l’entendement de la vie et de ses contradictions », etc. Pas étonnant que le chemin de Duras ait croisé les plus profonds esprits spéculatifs de son temps, qui auront trouvé dans son œuvre le plus fidèle miroir de la dialectique des sexes : Bataille, Blanchot ou Lacan. Personne n’a mieux dit la vérité de cette entité universelle et mystérieuse qu’est le couple, que l’œuvre de Duras. Ici, nous avons presque mieux qu’une œuvre : son laboratoire.
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