Pourquoi la guerre ? 

Une recension de Cédric Enjalbert, publié le

Nous n’imaginions pas le « retour de la guerre » en Europe. Le philosophe Frédéric Gros part de cette incrédulité, un an après l’invasion de l’Ukraine, pour enrichir sa réflexion sur les transformations de la guerre. Il parcourt une « tragédie en trois actes » débutant en 1945 : guerre binaire, à l’instar de la guerre froide ; guerre globale, diffuse, marquée par le terrorisme, où le couple guerre et paix laisse place au binôme intervention et sécurité ; guerre de « chaotisation », dont le motif apparaît désormais. « Alors que la guerre classique s’était construite comme une violence structurée selon des règles et suspendue à des objectifs (elle était normée et instrumentale), les guerres de chaotisation, dont le profil aujourd’hui se dessine en Libye, en Syrie, en Irak, au Yémen, sont faites pour maximaliser les profits de la catastrophe. » Le conflit ukrainien illustre cette guerre « menée pour elle-même » et non « orientée vers la production d’une paix », avec sa « coloration millénariste » – Poutine promet de purifier le continent de la « décadence européenne ». Cette chaotisation est aussi « le symbole et le symptôme d’une difficulté insurmontable, qui est la nôtre, à construire un futur ». L’agression russe ravive une perplexité fondamentale : « Pourquoi les hommes se font la guerre, et depuis si longtemps ? » La réflexion sur la légitimité de la guerre juste achoppe en philosophie sur la violence qui « demeure pour la pensée ce roc contre lequel perpétuellement elle se brise ». L’auteur identifie trois raisons pour l’expliquer : « la cupidité ; la peur ; la quête de gloire ». Mais il en ajoute une. Ce n’est pas une inclination naturelle qui nous porte à cette violence : « si les États se font la guerre, c’est justement parce que, entre eux, il n’y a pas assez de nature – trop de calculs pauvrement humains, d’ambitions mesquines, d’anticipations portées par des imaginations limitées ». Contre ces « passions tristes », la paix se cultive.

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